❝ It does not do to dwell on dreams and forget to live, remember that. ❞
I. At the beginning
J'avançai, sous le regard avisé de mon père, sur le sol marbré du palais. Je n'osai lever la tête pourtant j'en étais persuadé ; il me suivait consciencieusement des yeux. Pour une fois, je n'avais sans doute rien à me reprocher mais je n'osais croiser son regard, aussi juste et bienveillant qu'il pouvait être. Le capitaine de sa garde rapprochée me fit un petit geste sec et je m'arrêtai aussitôt, devant mon père, affublé des insignes de notre maison. Il avait beau être un père aimant et indulgent, il avait toujours marqué une distance entre lui et moi. Mon frère Jodd, quant à lui, qui était l'aîné et l'héritier de la fortune familiale, avait toujours eu une place privilégiée. Il était là, près de mon père. Mère aussi était là, l'air hautain et aérien qu'elle se donnait souvent figé sur son visage glacé. Père me lorgnait affectueusement, puis il brisa le silence, presque à contre cœur. «
Fils, qu'as-tu à me dire ? » Je sentais que ma venue le rendait mal à l'aise, j'arrivais comme un cheveu sur la soupe. Il savait qu'il ne m'accordait que peu de temps et je percevais qu'au fond de lui, je le faisais culpabiliser ; même si ce n'était pas ma volonté première. Je ne répondis pas et un grand silence s'installa de nouveau. J'avais toujours été élevé dans les traditions et les valeurs du royaume. Ma seule doléance, c'est que je ne fus jamais inculqué de ses normes par mon père. Il trouvait toujours un moyen, un subterfuge pour m'écarter. Il trouvait toujours une raison de ne pas m'accorder du temps. Il trouvait toujours un maître d'armes à payer pour m'apprendre à sa place. Le pire était sans doute le fait qu'il ne le faisait jamais volontairement. Mon regard croisa le sien, il émit un petit raclement de gorge d'impatience, tandis que je le dévisageai comme si je ne l'avais jamais vu, lui reprochant intérieurement un lot inconcevable de choses. Je n'étais certes pas à plaindre, j'aurais pu naître fils de paysan mais à cette époque, j'aurais voulu un peu plus d'attention. Même si au fond, je savais qu'il m'aimait et qu'il me chérissait, je ne pouvais m'empêcher de le maudire, alors que mon percepteur me ramenait déjà dans ma chambre, sous le regard ironique de Jodd.
Dans une atmosphère pareille, on aurait pu croire la magie absente. Mais pas du tout ! Bien au contraire, je nageai dans la féerie la plus totale. J'eus, dès mon plus jeune âge, connaissance des pouvoirs de mon père et de mon frère. Ce dernier s'en servait bien volontiers pour me rabaisser. Mais bien que je la côtoyai au quotidien, je n'avais aucune justification quant à l'utilisation de la magie. Je n'en savais rien. Ni comment elle se formait, ni comment on l'apprenait. Et, durant longtemps, comme mes pouvoirs ne se manifestaient pas, Père et Jodd étaient persuadés que j'étais un cracmol : un sorcier sans pouvoir magique. Ma mère était une cracmolle mais je n'avais aucune envie de lui ressembler. Mais tout cela ne dura pas car, du jour au lendemain, tout changea. La découverte de mes pouvoirs se mêla à un autre événement très important de mon enfance : la révélation de ce qui allait être mon épouvantard quelques années plus tard. Nous étions invités à un repas chez une parente du royaume. Le manoir, situé non loin de St-Petersbourg, où la famille se réunissait, appartenait à une femme qui disait être ma tante. A vrai dire, je ne l'avais jamais croisée ; et elle était apparemment gâteuse. Elle ne se souvenait jamais des noms de ses cousins, enfants ou petits-enfants. Le neveu que j'étais ne faisait pas exception à la règle. «
Bonjour Ruben. » Oui mais voilà, ma tante était bien trop vieille à présent pour entretenir son immense domaine. Aussi, disposait-elle de trois immondes elfes de maison ; Boc, Goc et Poc. Le cauchemar commençait pour le petit garçon que j'étais. Je n'avais jamais entendu parler d'eux mais il m'était apparu qu'ils étaient horribles, désagréables et à moitié timbrés. Mais ma phobie ne fit que s'intensifier après cet événement. Alors que je m'amusais, innocemment, à découvrir les méandres du manoir, je tombai sur ceux qui allaient hanter mes cauchemars des années durant. Ou plutôt, ils me tombèrent dessus. D'un claquement de doigts à l'unisson, ils m'envoyèrent cogner la tête contre le mur d'en face pour, après, me suspendre au chandelier du couloir. Jusqu'à ce que la famille royale commença à s'affoler et que ma tante m'aperçut et me détacha. Elle ne me demanda rien et les elfes de maison repartirent en sifflotant. C'était vraiment trop injuste ! Et mon petit corps de sorcier n'allait pas tolérer ça. D'une façon qui m'est encore aujourd'hui inconnue, je lançai mon bras vers eux, le visage plein de larmes. Boc, Goc et Poc lévitèrent et s'écrasèrent alors sur les marches de l'escalier. Cet événement déclencha l'hystérie la plus totale chez toute ma famille. Tandis que mon affreuse tante pestait et rassurait ses trois adorables monstres, Père et Mère et même Jodd étaient partagés entre fierté et gêne. Après tout, je venais d'exprimer mes pouvoirs pour la première fois. Même si je fus interdit, par après, de séjour chez ma tante pendant trois ans.
Haletant, sous le choc de la terreur, je m'éveillai brusquement. Mes yeux exorbités balayèrent fébrilement la pièce, paniqués à l'idée que mon cauchemar pouvait se réaliser. M'efforçant de rendre ma respiration plus calme, j'essayai de me calmer et me rendis à l'évidence : j'avais rêvé et, grâce au ciel, c'était tout. Je me redressai doucement sur mon lit et m'étirai durant un long moment. Quelle heure pouvait-il bien être ? D'un geste bref, je me découvris de la tête au pied et voulus tout d'abord m'extirper du lit. Mais je n'en eus pas la force – ou peut-être pas le courage, anxieux de ce qui pouvait bien m'attendre, une fois la porte de la chambre franchie –, ce rêve, aussi flou et peu probable qu'il était, m'avait pour le moins ébranlé. «
Edwyn ! » L'appel finit de m'éveiller. Je sortis immédiatement du lit, sur le qui-vive. La gouvernante débarqua dans la pièce, les larmes aux yeux, et la mine endormie. Elle aboya quelques paroles incompréhensibles mais j'y compris au moins une chose ; elle me sommait, au nom de tous les dieux qu'elle connaissait, de me rendre dans la chambre de mon frère. Jodd était pris d'une fièvre depuis deux mois déjà et, instantanément, toutes les scènes de mon affreux cauchemar resurgirent dans mon esprit. Non, non, non, cela ne pouvait pas être ça. Je n'avais, certes, jamais porté mon frère dans mon cœur ; nos relations avaient énormément changé depuis notre tendre enfance. Même s'il n'était pas le meilleur des frères, il était le mien. Je me précipitai, à la suite de la gouvernante, à travers le château et plus précisément dans la chambre de mon frère. Lorsque j'entrai, mon père me regardait comme j'avais il n'avait posé son regard sur moi, ma mère gémissait à ses côtés. Je ne vis pas mon frère, je vis juste les lèvres de la gouvernante remuer ces quelques mots lourds d'émotions comme de conséquences. «
Je suis désolée. »
II. 'Cause everything changes
Lourds d'émotions comme de conséquences. C'était un fait ; depuis la mort de Jodd, beaucoup de choses avaient changé. Le royaume avait fait son deuil assez péniblement, mais il l'avait fait tout de même. Si Père avait réussi à tourner la page au bout de quelques mois, de quelques années, Mère ne cessait de pleurer, seule dans sa chambre, en repensant à son défunt fils préféré. Mais pour moi, tout était différent. Je n'étais plus le cadet, j'étais l'aîné et de ce fait, je prenais de l'importance dans le royaume. Bien sûr, j'étais dans une position peu enviable. On m'accusait, Mère surtout, encore aveuglée par le chagrin, de vouloir prendre la place de mon frère. Et pourtant, très vite, Père m'avait assuré que c'est ce que je devrais faire, un jour ou l'autre. Je demeurai avec mon père, là où Jodd s'était autrefois tenu. Mes percepteurs m'enseignaient les usages et les valeurs de la royauté, me préparaient à devenir roi. J'avais l'impression que je m'attirais de plus en plus les faveurs de mon père. Mais je ne savais dire si c'était parce que je devenais l'héritier, ou si c'était simplement parce que je grandissais. Des sentiments étranges m'assaillaient. J'avais l'impression d'arriver, encore une fois, comme un cheveu sur la soupe, bousculant les plans des gens qui m'entouraient. Père m'avait encore assuré que ce n'était pas le cas, que ma place était à ses côtés, et plus tard, sur le trône. Je ne savais pas encore que tout cela allait arriver beaucoup plus vite que je ne le pensais.
Je m'en souviens encore. Comme si c'était hier. Mais ce n'était pas hier, c'était un jeudi après-midi. Nous avions déjà dîné et mon père avait décidé, sur un coup de tête, de partir chasser. Bien sûr, c'était une activité de noble, qu'il aimait bien s'accorder de temps en temps mais on ne l'avait plus jamais vu remettre un pied à la chasse depuis que j'étais né. J'avais alors dix ans, à cette époque. Attablé à mon bureau, je regardais par la fenêtre, le regard vague. Je n'écoutais pas les paroles de mon interlocuteur, même si celui-ci semblait être passionné par ce qu'il racontait. Les cours de navigation, cela ne me plaisait pas plus que ça. Mon père avait beau dire que c'était essentiel de savoir se repérer en mer pourtant nous étions des rois de père en fils alors, à quoi bon prendre la mer ! Vraiment, je considérais cette matière comme sans intérêt. Ma plume guidait ma main sur la page blanche, elle écrivait machinalement, au flot des paroles de mon professeur. «
Edwyn ? » Je levai un regard perdu vers lui lorsqu'il m'interpella puis il me demanda de répéter ce qu'il venait de dire. Je baissai les yeux sur ma feuille, à la recherche d'un quelconque semblant de réponse mais il n'y avait rien de sensé. Je crus à cet instant qu'il allait me réprimander et rapporter à mon père mes rêveries. Mais quelque chose me sauva à cet instant. A vrai dire, cet événement ne me sauva aucunement. Au contraire, il me perdit. Un hennissement de cheval retentit dans la cour, en contre-bas. Je me levai brusquement pour m'enquérir de la situation et jetai un coup d’œil par la fenêtre, au grand malheur de mon tuteur. Dans une vision d'horreur, je vis mon père, par terre, la tunique de chasse tâchée de sang. Le cheval hennissait, sabots levés, devant lui. Sous mes yeux effrayés, il lui asséna un second coup tandis que je déglutis passablement. Je ne pus faire autre chose que quitter la salle en trombe et m'élancer à travers le château. Je déboulai dans la cour. Un palefrenier s'occupait du cheval et tentait de l'apaiser. Une masse de sujets s'était précipitée autour du corps de mon père. Je m'approchai, m'attendant au pire. Et j'avais raison. Il était défiguré, méconnaissable. Je retrouvai avec difficulté les traits de mon père. Je baissai la tête et ne put réprimer un frisson de dégoût. Lentement et avec difficulté, il tenta de dire quelque chose. Mais au bout de quelques secondes, il s'éteint à jamais, sans avoir pu s'exprimer. «
Père ? » A cet instant, je ne pouvais me résigner à ce qui se passait sous mes yeux. J'entendis des pas. Je me retournai. Je vis arriver ma mère, elle vit mon visage rempli de larmes. Elle s'arrêta brusquement à mi-chemin et pleura.
Et Dieu sait si elle pleura longtemps. Ma mère ne put jamais se faire à l'idée que son mari n'était plus de ce monde. J'étais meurtri, j'étais déconcerté, j'étais déboussolé, moi aussi. Mais après des années, j'avais su tourner la page, comme pour Jodd. On n'oublie jamais avec le temps, la douleur devient seulement moins forte. Mère, elle, n'avait pas su apaiser sa douleur, même avec le temps. Après la mort de mon père, étant donné que j'étais l'aîné, j'étais devenu, par la même occasion, l'homme de la famille. Et cette perspective, je n'en avais pas tout de suite mesuré les conséquences. Le jour de la mort de ma mère fût des plus accablants. Elle était décédée de chagrin, comme avaient dit les médicomages. C'était comme tomber de Charybde en Scylla, comme aimait le dire mon professeur de mythologie moldue. Un obstacle arrivait et je me confrontais à un autre plus grave encore. Car si la mort de mon père signifiait une absence de figure paternelle, la mort de ma mère signifiait l'absence de figure parentale. Bien sûr, je fus bouleversé, une nouvelle fois, mais dire que je le fus plus serait un énorme mensonge. Non pas que le décès de ma mère ne m'affectait pas mais il était moins impressionnant, moins violent et... Je ne sais pas exactement pourquoi mais je ne ressentais pas la même chose à la mort de ma mère qu'à la mort de mon père. C'était inexplicable et cruel. Mais c'était ainsi. Cependant, ce jour-là, j'avais tout juste onze ans. Et en plus de la mort de ma mère, je dus faire face à une autre responsabilité qui se concrétisa par mon maître d'armes qui s'agenouilla devant moi : «
Longue vie au roi. »
III. A kiss with a fist
Heureusement pour moi, il avait plutôt tendance à exagérer, en toute circonstance. Mais c'était un fait, j'étais l'héritier légitime. Dès lors, les conseillers de Père commencèrent à affluer autour de moi, me mettant déjà dans une position des plus inconfortables. Ils m’entraînaient déjà dans leurs complots et leurs conspirations. «
Sauf votre respect, vous devez vous débarrasser au plus vite des ennemis du royaume. De nombreuses personnes désiraient la place de votre père et maintenant que vous êtes au pouvoir, ils feront tout pour vous l'enlever. De plus, les risques sont... » Ils avaient beau parler, je ne les écoutais pas. Mais je n'étais pas à blâmer ; j'avais douze ans, à peine, et donc, d'autres préoccupations. Je sentais, parallèlement, mes pouvoirs grandir. Je n'avais que faire d'un royaume dans lequel je n'avais plus aucune famille. Et mes ambitions avaient beau être grandes ; je n'avais aucune envie de diriger un pays, ni de représenter la monarchiefj. Quelqu'un me donna l'occasion de les faire éclater au grand jour, lors d'une soirée festive donnée par le royaume. J'avais alors seize ans et jamais encore je n'avais connu l'amour, avant cette date. Depuis le début de la soirée, elle m'avait tapé dans l’œil. Elle était belle, brune avec des reflets roux et d'une sensualité exquise. Je ne l'avais jamais rencontré encore mais lorsque je demandai à un conseiller de la couronne qui elle était, il m'indiqua qu'il ne l'avait pas vu auparavant. Et pourtant, elle arborait un teint de cire, des habits princiers et une démarche des plus fières. Cette jeune femme éveillait en moi des sentiments nouveaux. Je n'osais aller lui parler ; ni même lui accorder un regard, de peur que nos yeux s'entremêlent et de violer son intimité. Alors, toute la soirée, je restai assis sur mon trône, à l'observer discrètement, tandis qu'elle allait et venait à travers la foule. Quelques fois, elle daignait lever ses yeux vers la table royale ; j'entrais alors subitement dans une grande discussion avec le premier conseiller qui se trouvait à ma portée. Mon ancien maître d'armes, promu conseiller militaire depuis, me lorgnait d'un regard entendu, accompagné d'un petit sourire. Si lui-même avait compris, je ne devais pas être très discret. Avec peu de confiance en moi, je quittai mon trône discrètement et faufilai à travers la foule. Je la voyais déjà se frayer un chemin et s'isoler dans une petite pièce, non loin de la salle où la fête battait son plein. J'y voyais là une quelconque ruse mais je ne pus m'empêcher de la suivre tout de même, presque avec précipitation. Elle me tournait le dos. Laissant derrière moi le bruit, la foule et les festivités, je fermai la porte. Elle se retourna, les pommettes cramoisies. Je me sentais frémir... à la fois de crainte et de désir. «
Bonsoir, mademoiselle. » Elle me fixa, un sourire sur le visage, mais ne me répondit pas. Elle ne répondit jamais. Lentement, elle se contenta de s'avancer légèrement et de refermer ses lèvres sur les miennes. Je ne pus réprimer un second frisson. Lorsque ce baiser prit fin, elle me regarda encore une fois, d'un regard intense et pénétrant, et dit tout simplement. «
Je pense que vous avez besoin de mon aide, Roi Edwyn. » D'un geste lent et plein de douceur, elle entreprit alors de défaire son corset.
Svenhild, c'était son nom. Elle sut faire chavirer mon cœur, malgré nos quelques années de différence d'âge. Elle était belle, dangereuse, impulsive, passionnée et fougueuse. Je l'aimais ; j'en devins même dépendant. J'avais fini la nuit à ses côtés. Nous continuâmes de nous voir de temps en temps mais cela ne nous plaisait pas. Ce n'était pas assez. Aussi, je la nommais conseillère de la couronne, pour l'avoir au plus près de moi, tout au long de la journée. Son tempérament fort et ses conseils pertinents m'aidaient à gérer le royaume. Mais elle avait su toucher mon point faible ; elle savait que la vie de châtelain ne me plaisait pas. Elle savait que mes ambitions étaient toutes autres. Un jour, alors, Svenhild me tint un discours qui m'étonna. «
Mon cher, vous n'êtes pas un roi. S'il vous plaît, ne me jugez pas et laissez-moi terminer. Vous le savez, tout au fond de vous que la qualité de roi ne vous plaît pas. Vous êtes un autre homme. Ce n'est pas un roi que j'ai embrassé cette nuit-là, c'est un sorcier. Laissez vos ambitions vous guider. » Je savais qu'elle avait raison, j'avais même envie de lui avouer mais je ne pouvais m'y résoudre. Je ne pouvais abandonner le royaume de ma famille, même si je n'avais aucune envie de le diriger. Svenhild comprenait, certes, mais quelques années plus tard, elle continua à me parler, comme une véritable oratrice, et non comme une amante. «
Roi Edwyn, vous gérez bien mal votre royaume. Non pas que vous n'en êtes pas digne. Ça non, je n'oserai jamais remettre en cause votre honneur, mon cher. Mais c'est un fait : vous n'êtes que trop bon pour porter une couronne sur votre tête. Ne laissez pas paraître vos émotions. » J'ignorais où elle voulait en venir mais je la laissai continuer. «
Prenez une femme forte, qui sera aimée du peuple. Elle doit être votre épaule. Mais si toutefois vous avez ne serait-ce qu'un seul sentiment pour elle, cachez-le ! Ne laissez rien transparaître ; et surtout, servez-vous des gens avant qu'ils ne se servent de vous. » Je ne savais que lui répondre ; je n'étais pas fait de ce bois-là et elle semblait presque en tirer profit. J'étais désorienté. Je n'avais aucune envie de continuer et elle l'avait compris. «
Je comprends vos doutes, mon roi. Mais ne paniquez pas, je vous aiderai. Je vous aiderai à réussir mais pour cela, vous aurez besoin de mon aide au quotidien. Mariez-moi. Je serai la femme forte dont vous avez besoin. » Je demeurai de marbre, devant son audace. Mais, ne sachant pas quoi faire de plus, j'acceptai, emporté par mon amour pour elle.
Je faisais les cent pas, dans cette antichambre improvisée. Mon cœur battait à tout rompre. Je fixai la porte de l'église avec insistance. Derrière cette toute petite barricade, m'attendait un cortège impressionnant. Derrière cette porte, mon destin allait se sceller. De me dire qu'il était trop tard pour revenir en arrière me fit douter l'espace d'un temps. Mais l'instant d'après, je retrouvai mes esprits ; j'étais sur le point de me marier avec Svenhild et rien n'allait me faire changer d'avis. Le fait était là : j'étais devant cette porte et je m'apprêtai à la franchir. Les mauvaises langues avaient parlé ; mes conseillers n'avaient pas été d'accord avec tout cela et pourtant j'y étais. Comme le voulait la tradition, ma promise était déjà là, en habits royaux, lorsque je pénétrai à mon tour dans la grande salle. Le peuple présent restait calme, malgré leur excitation. Elle était vêtue d'une robe qui ressemblait en tout point à celle qu'elle portait, le jour de notre rencontre, au détail près que celle-ci mettait joliment en valeur sa poitrine, par un corset bien placé, sur lequel de belles boucles rousses retombaient. «
Tu es belle. Tu es... royale. » Elle sourit, fièrement, s'approcha de mon oreille et murmura. «
Tu t'y habitueras, va. »
J'avais trente-cinq ans et mon corps n'était plus celui d'un jeune homme. Svenhild, elle, conservait avec surprise les formes de sa plus tendre jeunesse. Au fur et à mesure que mon règne perpétuait, elle faisait une reine des plus aimées par le peuple. Malgré le fait que tous mes conseillers m'avaient demandé de la renier, elle était devenue une véritable meneuse. J'en étais presque effacé. En réalité, j'en étais bel et bien effacé mais cela non plus, je ne m'en rendais pas compte. Je régnais, appliquant les précieux conseils de ma femme, mais pourtant, ce n'était plus moi le chef. Un jour, Svenhild me fit une crise de jalousie immense, au cours de laquelle elle prononça ces quelques mots qui m'ébranlèrent. «
Edwyn, je suis ta femme mais je suis aussi ta reine. » Accablé, je quittai le château et trouvai du réconfort auprès d'une jeune femme de joie pour la première fois de ma vie. Je savais pertinemment que je m'en mordrais les doigts par après mais je ne savais pas encore à quel point. Le lendemain de ma nuit avec la putain, Svenhild en eut immédiatement connaissance et mit son plan à exécution, presque par vengeance. Le pouvoir avait été son seul but durant tout ce temps puisque au petit matin, mes conseillers avaient été remerciés et mon ancienne garde rapprochée vint frapper à ma porte pour me mettre "au nom de la Reine et de la couronne" en état d'arrestation.
IV. A long journey
Seul, dans ma cellule, j'attendais patiemment la fin. Trois jours s'étaient péniblement écoulés depuis mon arrestation et je ne pensais plus qu'à une seule chose : la mort. Ma mort ou la sienne, peut importe mais il fallait que quelqu'un meure. Elle m'avait trahi ; et elle devait payer pour ça. Enfin les ténèbres de ma prison firent place, discrètement, à un faisceau de lumière saccadée. Quelqu'un descendait, torche en main, les marches qui me séparaient de la liberté. Je m'attendais à tout sauf à ça. Elle se tenait devant moi, fière et droite, la mine éprouvée. Elle était toujours aussi belle. D'un geste vif, Svenhild sortit un trousseau de clefs et franchit les barreaux. J'avais assurément pris un coup de vieux mais Svenhild, elle, restait d'une beauté divine et d'une jeunesse incomparable. Je la maudis du plus profond de mon âme puis, ayant enfin la force de me relever, je fondis sur elle, comme un rapace l'aurait fait sur sa proie pour entourer sa nuque de mes mains. Je la collai au mur, à ma merci, tandis qu'elle me portait un regard implorant. Presque sans m'en rendre compte, je desserrai l'étreinte et je tombai par terre, abasourdi. Même si je l'aurais voulu, je n'aurais pas pu lui faire de mal. «
Edwyn... » murmura-t-elle. «
Je ne te veux pas de mal, sache-le. » J'avais envie de lui ouvrir le ventre. Mais je me retins. «
Au contraire, Edwyn, je t'ai aidé. » J'avais vraiment du mal à y croire ; elle m'avait volé au nez et à la barbe le royaume de mon père. J'essayais de me calmer, de ne pas laisser place à mes pulsions lorsqu'elle m'embrassa. Ma première réaction fût un rejet complet. Mais peu à peu, je ne pus oser rompre le contact. Ce baiser langoureux me rappelait tant notre première rencontre. «
Svenhild ? » Elle ne répondit jamais non plus. Elle entreprit de défaire son corset... désormais royal et nous fîmes l'amour, pour la dernière fois. «
Tu n'es pas un roi, Edwyn, tu es un puissant sorcier. » Je reconnaissais avec peine la phrase qu'elle m'avait prononcé autrefois. Elle se leva, je l'implorai de rester encore un peu mais elle ne dit rien. Elle ouvrit la porte et plutôt que de la refermer derrière elle, Svenhild me déclara, pour tout adieu. «
Pars, Edwyn. Je m'occuperai de ton royaume tandis que tu deviendras l'homme que tu veux devenir. » Sur ce, elle remonta les marches, me laissant seul, la porte ouverte. Alors je compris. Et ma vie commença.
Je m'étais échappé de mes propres terres, comme un brigand condamné à la potence. Je savais que je ne reverrai plus jamais ni Svenhild, ni le château, ni mon bon vieux maître d'armes ; mais tout cela ne m'importait plus. Je commençai une nouvelle vie ; une vie où je deviendrai l'homme que je voulais devenir. J'intégrai une troupe de saltimbanques dont le programme était de partir pour l'Ouest où, disait-on, l'herbe était plus verte. L'un d'entre eux était un sorcier, tout comme moi. Les autres, des moldus. J'appris très vite à faire leurs connaissances et à partager ma vie avec eux. Lorsque nous atteignîmes l'Europe de l'Ouest, nous ne nous perdîmes jamais de vue, gardant contact par lettres et relations interposées. La vie sans Svenhild n'était pas forcément fade ; simplement différente. Je connus deux autres femmes qui eurent des importances dans ma vie. Je me mariai avec l'une d'entre elle. Elle mourut quelques mois après notre mariage. Je décidai de passer outre, essayant de ne pas trop laisser parler mes sentiments. Je devins un puissant mage, comme Svenhild me l'avait prédit et j'avais de nombreux amis sorciers dans l'Ouest, désormais. Entre autres, j'y connus Gryffindor, Slytherin, Ravenclaw et Hufflepuff qui, une fois leur projet concrétisé, me prièrent d'accepter un poste. Fort de mes expériences, je pris sous ma responsabilité le cours de magie noire.
Cela fait sept ans que Hogwarts a ouvert et qu'elle devient de plus en plus célèbre. J'ai réussi à aller dans le sens de mes ambitions. Mais le retour de Svenhild risque de nouveau de tout chambouler dans ma vie. Comme d'habitude...
♦ Il s'est lancé depuis peu dans l'objectif fou d'emmagasiner plus de connaissances magiques, en s'intéressant à des domaines qu'il ne connait pas, ou en confectionnant ses propres sortilèges, par exemple.
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{vous raconterez ici diverses anecdotes à propos de votre personnages, minimum cinq, maximum dix.}