Le soleil se reflétait, éclatant, dans la neige qui recouvrait les vallons, les montagnes, tout le paysage, de sa blancheur étincelante. Sur la plage gelée, les vagues se déchaînaient. L’eau était sombre, d’un bleu profond, comme un jour de tempête. La forteresse se dressait, au sommet d’une falaise. A l’intérieur, c’était l’effervescence, les servantes avaient envahis les escaliers, apportant de l’eau chaude, des linges, descendant des linges souillés de sang. Des hurlements retentissaient, rythmés.
Enfin, il y eut un long silence, durant lequel on n’entendit plus que le bruit de la pluie qui, dehors, s’était soudainement mise à tomber. Puis ce silence fut brisé par les cris d’un nouveau-né. Le seigneur des lieux se leva d’un bond du banc sur lequel il s’était assis, près de la cheminée tandis qu’une meute de servante surexcitée ouvrait la porte de la grande salle, s’y précipitant, s’écriant « C’est un fils monseigneur! Un fils! »

L’arrivée d’un fils, d’un héritier, fut fêtée par tous, et partout. Les terres du seigneur Gallaibh étaient vastes et étendues, il contrôlait une partie de l’Ecosse. Une des plus petites provinces, le Caithness, située à l’extrême nord des Highlands où peu de monde s’aventurait. C’était des terres sauvages, verdoyantes et dangereuses. Ce fut là où Abaddon grandit, avec d’un côté, les vallons, les montagnes, les collines, et d’un autre côté, la plage, la mer gelée et déchaînée. Il faisait froid toute l’année, surtout lorsque l’hiver venait. Tout était recouvert de neige et on ne pouvait guère sortir de chez soi. Les bergers, l’été, faisait monter leurs brebis dans les pâturages, et ils redescendaient, lorsque les feuilles commençaient à jaunir. La baie était vide, trop peu de navires osaient s’y aventurer. Pourtant, on y faisait le meilleur whisky de toute la Grande-Bretagne, c’était d’ailleurs un de leurs seuls moyens de subsister.
Aidan Gallaibh, le père d'Abaddon, quoi que fier de son fils, ne lui laissait guère de répit, il attendait beaucoup de lui, et déjà tout petit, il le savait. Quand à sa mère, son père lui reprochait de n'avoir pas d'autres enfants. Ses parents venaient tout deux d'illustres familles, surtout connues pour leur pureté de sang, les Gallaibh étant en plus possesseur de terres ce qui n'était pas négligeable. C'était un mariage arrangé -comme pour beaucoup de familles de sorcier de sang-pur-, mais leur couple était harmonieux.
Le garçonnet grandit donc seul, n'ayant pas de frères ni de soeurs, mais ne sachant pas ce que c'était de ne pas en avoir, ou d'en avoir, il s'en souciait peu. Son père, modèle d'autorité, l'empêchait de sortir, de rencontrer d'autres enfants, chose qui le blessa énormément, mais il était fier, presque orgueilleux, et jamais il ne le montra.

Lorsqu'il fut proche de sa sixième année, le ventre de sa mère s'arrondit de nouveau, à la surprise générale. Son père fut, un certain temps, plus doux envers son épouse qu'il avait tendance à ménager fortement depuis qu'une guérisseuse aux pouvoirs obscurs lui avait dit que sa femme ne pourrait plus enfanter -ou à ses risques et périls-. Ce fut une ravissante fillette qui ouvrit ses merveilleux yeux bleus au début du printemps, alors que les fleurs commençaient tout juste à pousser sur les collines et que les feuilles commençaient à rhabiller les arbres. On l’appela Skye. Abaddon ne se désintéressa pas du poupon, comme le faisait beaucoup de garçon, au contraire, il s'intéressa à sa petite sœur. Leur père, le comte, se désintéressa encore plus de sa femme, et de sa fille. Avoir une fille, c'était neuf mois passé à attendre un enfant non-désiré. Puis le malheur décida de s'abattre sur la famille.

Quatre ans plus tard, ce fut au tour d'Elaine de naître, après deux jours entiers passés à attendre.

Skye avait huit ans. C'était une gamine intelligente, aux yeux d'un bleu pur, à la chevelure sombre, elle était jolie, très jolie. Et elle ressemblait à Abaddon, surtout physiquement. Ils partageaient beaucoup de choses, la lecture. Il aimait voir sa sœur sourire et rêvé à l'évocation des anciennes religions -qui les fascinaient, bien plus que le christianisme-, du Petit Peuple qui se baladait, dans les forêts, dans les rivières. Régulièrement, il emmenait sa soeur sur la plage, se baladant ensemble. Il n'avait pas le droit d'emmener Elaine, elle était trop jeune, disait sa mère. En réalité, il savait très bien que c'était parce qu'Elaine était sa préférée, sa dernière-née, qu'elle disait cela, et Abaddon ne lui en voulait pas, c'était normal. Attrapant Skye, il l'emmena vivement vers la plage, passant par le village où quelques enfants leur jeta des regards curieux, envieux, mais pour une fois, le garçon les ignora. Skye avait envie d'aller jouer et il ne voulait pas la faire attendre, il aimait la voir sourire et rire. Parfois, il allait dans sa chambre, la regarder dormir. Elle était paisible, innocente, lorsqu'elle dormait, et il n'y avait pas la tristesse dans ses yeux, comme lorsque les cris de leurs parents retentissaient.

« Tu as promis de m'emmener Ab'! J'ai dix ans maintenant! Tu as promis! » piailla Elaine en lui attrapant les jambes, bloquant ainsi son aîné. Il sourit de bon coeur en jetant un regard en coin à Skye qui était terrée à côté de la cheminée, et qui avait levé les yeux d'un vieux livre. La lecture l'absorbait visiblement. Sa soeur lui rendit son regard, un léger sourire étirant son visage. « Écoute, je vais voir Dastan et Siobhàn, et aussitôt après, on ira à la plage d'accord? » La fillette hocha vigoureusement la tête, faisant voler ses boucles d'un blond pâle et s'enfuit en riant. Elle avait un rire de clochette, doux et frais. Skye se leva rapidement et emboîta le pas à Abaddon tandis qu'il sortait de la forteresse. Ils firent le chemin en silence, savourant le froid piquant sur leur peau, le vent soufflant dans leurs cheveux. « Ils veulent que tu l'épouses, cette fille. Cette étrangère » fit Skye d'une voix douce. Abaddon la regarda, surpris. Généralement, sa sœur était discrète et ne se mêlait pas des affaires des autres. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Cette étrangère. Non, il ne l'épouserait pas, même si, pour le moment, ce n'était que des rumeurs qui circulaient. Il ne l'épouserait pas. Il ignorait jusqu'à son nom, mais peu lui importait. Elle ne l'intéressait pas, il ne lui laisserait même pas une chance. Ils arrivèrent à la plage, et Abaddon observa une chose étrange. « Il va y avoir une tempête Skye, mieux vaut ne pas s'attarder. » Sans répondre, elle hocha la tête en s'avançant vers l'eau déchaînée. « Siobhàn veut me voir demain. Tu sais, elle me dit que tu es très doué en potion. » Abaddon sourit légèrement. Depuis le départ de Dastan, qui avait été appelé ici uniquement pour son éducation, ses soeurs elles, restaient avec l'Irlandaise. Elles n'allaient pas à cette école de magie récemment crée. La mer était déchaînée, oui, et le vent soufflait fort, faisant ployer les branches des arbres, les embruns s'envolaient, les mouillant. Déjà, le ciel se couvrait rapidement, trop rapidement, la pluie tomba bientôt, gelée, violente. Attrapant sa sœur, il l'attira vers lui et commença à courir vers le château, traversant à toute allure le village. Le sol de terre se transformait en boue, rendant leurs courses difficiles. Ils arrivèrent au château, peu après, et le trouvèrent en effervescence. C'était anormal, et dès qu'il vit cela, Abaddon sentit son cœur battre peu à peu, et un noeud noua son estomac. Il n'avait jamais eu peur, non, jamais, mais là c'était différent. Elaine avait disparu. Sa petite soeur. Un ange aux cheveux blonds.

« ELAINE! ELAINE! » hurlait-il à s'en briser la voix sur la plage, le vent le fouettait de plein fouet, le sable se mélangeait aux embruns marins, il était gelé, gelé jusqu'au os, la tempête soufflait autour de lui et pourtant, il était calme. Parfaitement calme. Mais il avait peur, pas pour lui, non, pour elle, et la peur montait sournoisement, l'envahissait peu à peu. Abaddon voyait mal, trop mal, et lorsqu'il voulut se saisir de sa baguette, il remarqua avec horreur qu'il ne l'avait pas. Puis enfin, alors qu'il croyait être seul, il la vit, petite masse blanche flottant sur la mer déchaînée, se débattant pour respirer. Sans attendre, il se jeta à l'eau et nagea vigoureusement dans la direction de sa petite soeur, mais le courant était fort, et plus il avançait, plus elle reculait. Elle s'éloignait. Fatigué, il prit une profonde inspiration avant de plonger, l'eau était agitée, mais moins qu'en surface. Le plus compliqué fut de la retrouver dans l'eau trouble, il était aveuglé, mais il se saisit avec soulagement du corps tremblant d'Elaine et commença à la ramener vers la rive. Ses yeux étaient clos, ses lèvres violettes, sa peau froide. Mais la fillette frémit au contact de son frère. Ce dernier se démenait de toute ses forces pour atteindre la plage, son dos, ses bras, son corps entier le brûlait et pourtant il sentait sur sa peau l'impitoyable morsure de l'eau. Lorsqu'il sentit sous ses pieds le sol, il ne put s'empêcher de se sentir soulager, si soulagé que soudain, sa vision se brouilla et peu à peu il commença à sombrer. La dernière vision qu'il eut avant que tout devienne profondément noir fut Elaine qui s'étouffait, cherchant à respirer, recrachant l'eau qu'elle avait avalé. « Courage petite souris, tu peux le faire » souffla t-il.

Ce fut comme cela qu'on les trouva, lorsque la tempête se fut calmé. Et du plus profond de son lourd sommeil dans lequel il avait sombré, Abaddon sentit une froideur mortel l'envahir, et lorsqu'il se réveilla, il n'eut pas besoin de regarder Skye, ni de croiser le regard de sa mère pour savoir qu'Elaine était morte. Il l'avait senti.

Un couinement attira son attention, baissant les yeux, Abaddon remarqua, dans la neige, un étrange animal, tout en longueur, qui le regardait de ses yeux noirs et intelligents. Il ne sut jamais pourquoi, mais en voyant ces yeux, ce furent ceux d'Elaine qui lui apparurent, sombres, doux et intelligents. Une hermine, masquée par la neige grâce à son pelage blanc, qui devenait roux l'hiver venu. Se penchant, il ramassa la bestiole qui, à sa grande surprise, se laissa faire et l'emporta avec lui. Il se mettait en route le lendemain pour Poudlard, et espérait que l'hermine survivrait au voyage. Abaddon sourit légèrement, une nouvelle vie s'offrait à lui.


♦ Il a l'habitude d'aller faire de longue promenade sur la plage, avec sa petite soeur Skye, et de lui raconter des histoires avant de s'endormir.
♦ Il a appelé son hermine Léda, comme la femme que ses parents ont voulus lui faire épouser, parce qu'il sait très bien que son ex-"fiancée" qu'il ne supporte pas, détesterait ça.
♦ Malgré sa baguette magique, il a toujours une épée avec lui puisqu'il sait également combattre sans magie.
♦ Il peut passer des heures, des nuits dans la bibliothèque, ce qu'il a déjà fait auparavant.
♦ Il a toujours en réserve tous un tas de potion, bénéfique ou non d'ailleurs... Pur précaution car on ne sait jamais ce qu'il peut arriver.