Je ne vous mentirai pas : ma vie est un bordel.
Les quelques lignes qui vont suivre choqueraient énormément mes contemporains mais j’espère que vous qui les lirez dans le futur aurez la présence d’esprit de les accepter telles qu’elles sont sans porter de jugement hâtif sur leur contenu.

Je me nomme Estë, dite Aerin et mon nom de famille est le tristement célèbre Gryffindor. Si Hogwarts existe toujours à votre époque, nulle doute qu’il ne doit pas vous être inconnu mais je vous arrête tout de suite dans vos suppositions. Je ne suis pas la fille de « l’illustre » Godric, juste sa nièce. Une des membres du « mauvais » coté de la famille. Celui dont les gens n’osent pas parler ou alors sur lequel ils déversent leur fiel sans savoir de quoi ils parlent. Mais moi, aujourd’hui et maintenant, je vais vous compter toute la vérité, vous montrez les dessous méconnus de notre famille.

Sachez tout d’abord que je ne suis pas née en Angleterre, mais en Italie, ma mère en étant originaire. Elle était l’unique héritière d’une grande famille ritale de sang-pur et entre mon père et elle, ça avait été le coup de foudre. Elle était la douceur, la bienveillance incarnée. Lui, de son coté, incarnait la noblesse et la force de l’homme juste et bon. Nous vivions tous les trois avec mon frère dans une jolie petite maison au bord de la mer et la vie n’aurait su être plus belle. Chaque jour était une fête et nous vivions dans un petit cocon bien à l’abri de la réalité et de la cruauté de la vie. Ce fut sans le moindre doute possible la plus belle période de toute ma vie. Je jouissais d’un bonheur sans fin et je ne m’imaginais pas le moins du monde que les choses puissent changer. Pourtant, je n’étais pas encore âgée de onze ans que mon père nous arracha à ce petit paradis méditerranéen pour nous emmener avec lui sous le ciel grisâtre et pluvieux de l’Angleterre. Je n’aimais pas l’idée de tout abandonner dernière moi pour me retrouver dans un nouveau pays que je ne jugeais pas à la hauteur de celui que j’avais toujours connu mais loin d’être idiote pour mon âge, j’avais compris que les motivations de mon géniteur étaient loin de se restreindre à un mal du pays, comme il nous disait si souvent. Non, elles étaient bien plus personnelles et concernaient ses rapports pour le moins chaotiques avec son seul et unique frère qu’il voulait tenter d’améliorer. Voyez-vous, mon paternel sous ses airs bourrus était très attaché aux liens familiaux et aux traditions et il voulait tenter de régler une fois pour toutes les désaccords qu’il pouvait bien avoir avec le seul membre encore vivant avec lequel il avait grandi. La cause principale de leur mésentente tournait autour de leur vision des moldus et de l’amour inconsidéré que Godric semblait leur porter. Inconsidéré et surtout inexplicable compte tenu du fait que ces derniers avaient tué leurs parents. Mais mon père voulait tenter de passer au dessus de tout ça. Et pour la seule fois de sa vie, il eut tort et de vous à moi, j'aurais préféré que nous ne quittions jamais la Toscane.

Nous n'étions pas arrivés depuis un mois que mon père dut repartir en Italie avec mon frère pour s'occuper de quelques affaires personnelles, nous laissons seules ma mère et moi. J'avais énormément de mal à me faire à notre nouvelle vie, contrairement à ma génitrice qui elle, était aimée de tous dans le village. Peut être même un peu trop. Il y avait cet homme, ce Valmont qui semblait n'avoir d'yeux que pour elle et qui venait tous les jours lui faire la cour. Je pouvais les observer depuis les escaliers du grand hall, alors que ma mère - fidèle à son mari - repoussait ses avances encore et encore avec le même sourire poli aux bords des lèvres. Cependant, il y eut un rejet de trop et un soir, alors que nous lisions tranquillement devant la cheminée, les villageois armés de torches et d'armes diverses s'introduisirent dans notre domaine et nous arrêtèrent, sans que ma mère ne puisse récupérer sa baguette magique et nous défendre. Nous passâmes une nuit remplie d'interrogations et de peur dans un cachot avant de comprendre le lendemain seulement ce qui nous valait un tel traitement. Attachées, pieds et poings liés, à une chaise en plein tribunal, nous étions accusées de sorcellerie. Il était inconcevable que ces moldus aient pu découvrir notre secret. Nous prenions bien soin de le cacher. Mais un regard, un seul dans l'assemblée agressive et virulente me permit de comprendre de quoi il retournait. Valmont, de son sourire cruel et moqueur nous lorgnait sans la moindre pitié. C'était lui, lui qui était à l'origine de tout ça. Lui qui, pour punir ma mère de l'avoir repoussé, allait la faire condamner à mort et moi avec.

Je ne vous narrerai point les quelques sévices que nous avons vécus. Sachez juste que ces images ne quitteront jamais mon esprit et que mon corps, bien que guéri en apparence aujourd'hui, en garde encore profondément les traces. Le jour de l'exécution, c'est à peine conscientes que nous fûmes amenées au bûcher. Je me souviens encore de la poigne solide des deux gardes me retenant alors que ma mère était conduite sur la potence. J'avais l'impression de n'être qu'une vulgaire poupée de chiffons alors que je me débattais pour tenter de la rejoindre, pour tenter de l'atteindre. Mais qu'est-ce qu'une gamine de dix ans peut bien faire contre des individus de deux fois sa taille et trois fois son poids? C'est impuissante que j'ai assisté à l'allumage du feu qui allait bientôt embraser et consumer le corps entier de ma mère alors que mon hurlement de douleur percé la foule et leurs effusions de joie et de satisfactions. Pourtant, alors que tous semblaient se réjouir des évènements, un cri retentit soudainement parmi les bourreaux de ma mère et bientôt, tous purent voir Valmont s'écroulant de douleur, la tête entre les deux mains. Il brûlait lui aussi, sans pour autant qu'aucune flamme ne l'ait atteinte. Il se décomposait de la même manière que ma mère l'avait fait, son visage rougissant comme atteint par les morsures d'un feu invisible. La voilà, la première manifestation de mes pouvoirs. Je n'en parle jamais, personne n'est au courant de cet épisode de ma vie. Cependant, je ne pus le faire souffrir autant que je le désirais qu'on me frappait pour me faire sortir de l'état de transe dans laquelle la mort de ma mère m'avait plongée, mettant fin à la torture que j'infligeais à mon ennemi. Ce dernier, le visage probablement brûlé à vie, s'approcha de moi et, m'empoignant par la gorge, me tira jusqu'à un autre bûcher qui devait probablement m'être destiné. Cependant, le feu n'eut pas le temps d'arriver que les choses changèrent du tout au tout.

Mon père et mon frère apparurent dont ne sait où et, comprenant rapidement ce qui avait bien pu se passer, entrèrent dans une colère noire. Dans une rage sans égale. La suite est un peu floue pour moi, je vous l'avoue. Je ne me souviens que d'un incendie ravageant tout sur son passage, tuant tous ceux qu'il rencontrait alors que mon aîné m’entraînait à l'abri. Je ne compris que plus tard que c'était le grand Tobias Gryffindor qui, aveuglé par la haine, avait mis à mort tous ceux ou presque qui lui avaient pris sa femme et tentaient de faire la même chose avec sa fille. Les dégâts furent pour le moins considérables, le village totalement dévasté et les survivants, très peu nombreux. Il ne fallut pas beaucoup de temps avant que la justice magique ne s'en mêle et que mon père soit, à son tour, condamné par un procès à mort. Ce passage de ma vie, je m'en souviens encore comme si c'était hier. De mes suppliques auprès de mon oncle pour qu'il accorde sa grâce à son propre frère ou pour que tout du moins, il tente de l'aider. Mais mes prières restèrent vaines et le coeur de Godric Gryffindor, froid comme la glace. Et je dus assister pour la seconde fois à la mise à mort d'un être cher, le tout en place publique. Pire encore que cette perte humiliante, je fus contrainte de partir vivre à Hogwarts avec celui-même que je considérais comme responsable de tout cela, celui que je haissais tout autant que ceux ayant brûlée ma mère vive.

Aryanna était la seule avec qui j'acceptais de passer du temps et pendant les quatre années où je vécus au château en tant que résidente et non pas, en temps qu'étudiante, je réussis à éviter au maximum la compagnie de mon oncle. Il m'arrivait de me mêler aux élèves, à faire leurs connaissances mais dès qu'il pointait le bout de son nez, je disparaissais comme par magie. Solitaire et rebelle, je lui en faisais voir de toutes les couleurs. J'étais connue de tous pour ne pas ressembler à la jeune fille de bonne société que je devais être. Et aujourd'hui, alors que j'entame ma quatrième année scolaire, c'est toujours le cas. Je suis l'electron libre du château et bien que j'ai pas mal d'amis, je garde ce coté sauvage et indomptable. Les gens murmures énormément sur mon passage et pour cause : ils sont tous ou presque au courant de l'histoire de mon père et je me sais jugée pour ça. Mais je n'en ai pas honte, au contraire je suis fière de lui. Ces moldus n'ont eu ce qu'ils méritaient. Et ce n'est pas les stupides tentatives de mon père pour tenter de me les faire accepter qui changeront mon point de vue, pas plus que la présence dérangeante de ce sang de bourbe qu'on essaye de m'imposer en permanence en tant que partenaire. Pour moi, il n'est rien. Ils ne sont rien. Je voudrais qu'ils disparaissent. Tous.