La vie m'a toujours semblé simple. Je n'étais pas né dans une famille pauvre. J'avais eu de la chance. Pas que nous soyons très riches non plus. Mais nous avions toujours de quoi vivre dans des conditions confortables. J'avais de la chance c'était sûr. Vivre dans une maison en dur. Avoir des vêtements neufs et propres et chauds pour l'hiver. Ce n'était pas le luxe que tout le monde pouvait avoir. Oh il était évident qu'il ne fallait pas les abîmer ces beaux vêtements. Avoir la vie facile, c'était une chose, mais père m'avait souvent dit que l'argent ne poussait pas sur les arbres. Père était un homme bon. J'aimais le regarder travailler des heures et des heures. Son travail, me demandez -vous ? Eh bien il élevait des chevaux et les revendait à qui voulait. On pouvait dire qu'il faisait plutôt bien son travail. Du haut de mes petites jambes je rêvais de faire la même chose que lui. Souvent il prenait le temps de m'expliquer et m'enseigner la pratique. Je savais déjà monter à cheval. Parfois il lui arrivait de me demander de faire travailler un de ses protégés et de lui faire réaliser divers exercices. Sous l’œil protecteur de ma mère, elle qui avait toujours peur que je fasse une mauvaise chute... Enfin même avec ça, des chutes j'en avais fait des tas. Eowynn venait aussi me voir quand je montais... mais elle n'avait pas eu la chance de connaître le même apprentissage que moi avec les chevaux. Elle ne pouvait que rêver et regarder. Père lui avait dit maintes fois que ces travaux ne convenaient pas aux femmes. Même si dans le fond il voulait seulement la protéger.

L'hiver venait envahir nos terres bien humides. Le froid se faisait tout particulièrement mordant en cette période de l'année. Beaucoup préféreraient aller dans une taverne pour se réchauffer au coin du feu. Mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Ce jour-ci, mon père devait présenter ses protégés aux clients. Il avait promis qu'il m’emmènerait. Même ma sœur aurait le droit de regarder. Alors vous pensez que j'étais aussi excité qu'une puce et même le plus grand froid n'aurait pas pu m'empêcher d'être aux cotés de mon paternel. Même la tempête pour tout vous dire. Je m'étais emmitouflé sous une cape faite dans une étoffe épaisse et j'arborais une écharpe en laine de couleur saphir. Autant dire que j'étais armé contre le froid du pays. J'aurais pu tenir longtemps comme ça. Enfin regarder les chevaux suffisait amplement pour me faire résister. Je regardais mon père qui était en plein en train de converser avec un acheteur potentiel. Les flocons dansaient devant mon regard. Je savais qu'ils étaient en train de discuter de Snowmane. Un prix peut-être ? Je connaissais père comme très doué pour marchander. Surtout qu'on savait ses chevaux de très bonne qualité dans la région. Une petite réputation qui lui donnait un sacré coup de pouce. J'aurais bien aimé savoir ce qu'ils étaient en train de se raconter à cet instant. « Tu penses qu'il va acheter Snowmane ? » « Bien sûr, c'est un bon cheval. Tu t'es occupé de lui ? » Je soupirais. Dans le fond peut-être que je n'avais pas envie de le voir partir. Je finissais toujours par m'attacher un peu trop à ces bêtes. Souvent ma jumelle venait à me charrier en disant que je préférais les chevaux aux humains. Dans le fond ce n’était pas faux. J'avais tellement de mal à m'exprimer que je préférais passer du temps avec les chevaux, la communication se révélait nettement moins compliquée avec eux, je l'avouais.

Je secouais de la tête quand un flocon de neige me tomba sur le bout nez, me faisant par la même occasion légèrement sursauter. Je relevais doucement le regard. Apparemment l'affaire avait été conclue. Je voyais père en train de discuter avec un autre homme. Un homme que je ne connaissais pas. Mais sa silhouette attisa ma curiosité et attira mon regard. Le sujet semblait houleux. Je le voyais aux traits de mon père. Je pouvais les percevoir tirés et tendus. Une moue de colère. Je ne comprenais cependant pas ce qu'il disait à cet homme. Mais une chose était sûre je voulais en savoir plus. Alors j'essayais de fixer mon regard sur cet homme étrange. De grande taille, le visage très légèrement plus vieilli que celui de mon père. Je ne saurais pas l'expliquer... mais cet homme me semblait étrangement familier. Comme si je l'avais connu. Ou alors peut-être me rappelait-il quelqu'un. Enfin bref, le débat se clos de manière un peu brutale. Père s'approcha de nous comme si de rien n'était. Mais moi je voulais savoir ce qu'il s'était passé. Mon regard se fit insistant d'un coup... tout ceci me semblait beaucoup trop mystérieux. « Père qui était cet homme ? » « Personne de très intéressant. » Mes lèvres se pincèrent. Autant dire que la réponse ne satisfaisait pas le moins du monde. Je sentais bien qu'il me cachait quelque chose. Je détestais ça. Je détestais ce mystère. « Ton oncle Agravaine. Tu ne dois pas en savoir plus. Agravaine n'est pas un homme bien. » Je le regardais intrigué. C'était bien la première fois qu'il me parlait de l'oncle Agravaine. Pourquoi méritait-il telle réputation ? Enfin si mon père le disait, c'est qu'il devait avoir raison.. Sûrement même. Mais j'avais trop envie de savoir.

Il me suffit d'attendre que père ai le dos tourné pour filer le voir. Je voulais tirer les choses au clair. Je me sentais comme prêt à enquêter sur l'affaire. Mais mes réponses, je ne les trouverais pas ce jour-ci, sûrement n'étais-je pas prêt à l'époque. Je poursuivis mon oncle, galopant dans la poudreuse difficilement. Avec la neige qui tombait en grande quantités et mes jambes qui n'étaient pas bien grandes. Rapidement je me fatiguais. Et à force de patauger dans l'épaisse couche blanche, je finis les quatre fers en l'air, sur le dos comme une vieille tortue. Mais sans vraiment comprendre se qu'il se passa, je décollais d'un coup... Mais cela n'avait rien de magique. Les bras d'un homme venaient de me soulever de terre. Sûrement quelqu'un qui eu pitié d'un gamin de neuf ans qui venait de choir bêtement. Mais une fois droit sur mes jambes je pus le reconnaître. De près son visage me sembla beaucoup plus doux, beaucoup plus avenant que ce que j'avais pu imaginer de loin. Il avait l'air gentil je l'avouais. En tout cas, loin de ce que père m'avait laissé penser. « Allons bon Theodred, fais attention. » Je le regardais d'un air stupéfait. Comme s'il avait été une chose parfaitement improbable. Après tout c'était bien la première fois que je le voyais. Enfin que je le rencontrais de face à face. « Je suis... » « Je sais qui vous êtes... en fait je ne comprends pas... mon père semblait dire que vous étiez un homme mauvais. Mais je n'ai pas cette impression. Je cherche à comprendre. » Un sourire se traça sur les lèvres de mon oncle. En une fois encore je ne compris pas grand chose. Il finit par rire doucement et poser la main sur ma tête, et me décoiffer avec un geste affectueux. « Je ne sais si je suis quelqu'un de mauvais, mais en tout cas t'es un sacré bonhomme. Theodred tu es quelqu'un de spécial, je le sens. Allez... file, mon frère déteste les rebelles, je pense que tu es au courant. » Tu es spécial. A cette époque je n'avais pas compris. Encore à cet instant j'ignore s'il avait senti quelque chose en moi. Mais je savais que ce jour-là marqua le début de quelque chose. Quelque chose qui allait me sembler terriblement cuisant.

J'aimais beaucoup la neige. Quand les premières neiges tombaient sur les plaines du Connemara c'était signe que la fête de Noël approchait à grand pas. J'aimais beaucoup la fête de noël et l'hiver. Une fête pendant laquelle nous restions ensemble avec la famille. Souvent nous regardions le feu crépiter dans la cheminée. Des moments d'une grande simplicité. Mais qui faisaient le plus grand des bonheurs. J'aimais jouer avec ma sœur. Se batailler avec des boules de neiges, jusqu'à ne plus sentir le bout de nos doigts à cause du froid. Et encore une fois, c'était l'activité à laquelle nous nous donnions cette fois-ci. Je courrais en riant joyeusement. J’essayais d'éviter les projectiles d'Eowynn. Et j'y arrivais, mais bien souvent elle me touchait en plein visage. Je commençais d'ailleurs à avoir la nette impression que mes joues étaient aussi congelées que la glace qui couvrait les lacs de la région. Mais alors que je courrais un bruit me fit m'arrêter net. Ma curiosité fut piquée directement au vif. Mais alors que j'allais me diriger vers la source de ce son, ma sœur continuant de jouer fonça droit sur moi.... En oubliant de s'arrêter par la même occasion. Et ce qui devait arriver arriva, collision et chute d'une grâce sans précédent. Elle rit gaiement. Et quand je vis son visage aux couleurs des fleurs pivoine, je ne pu m'empêcher de rire à mon tour. Mais en nous relevant, nouveau bruit. Eowynn tourna la tête en même temps que moi. Au moins j'étais sûr que je n'avais pas imaginé ce bruit. Un seul regard échangé suffit à nous comprendre elle et moi. Surtout que nous avions en nous le même potentiel à être incroyablement curieux. Alors nous approchâmes de ce qui semblait être l'origine du bruit...

Sacrée surprise. Je le vis. Allongé dans la neige. Sa carrure était solide. Massive. Mais ses traits étaient dessinés d'une manière si fine et si délicate. Sa robe était de couleur grise. Blanc moucheté de gris ? Il aurait presque pu se fondre avec la neige. Un noble animal. Alors que je le contemplais je vis une plaie sur son flanc. Je regardais ma sœur inquiet. « Va chercher père, vite. » Je gardais les yeux sur lui, il avait capté toute mon attention. Je m'approchais tout doucement. Je savais très bien qu'un animal blessé pouvait être violent. Alors je faisais attention au moindre de ses gestes. J'étais calme, pour ne pas qu'il se braque en sentant ma crainte ou ma peur. Je m'approchai doucement et observais le cheval dans le yeux. Avant de regarder sa plaie. Elle était vraiment laide, c'était certain. Délicatement j'approchai ma main de la plaie. Comme si cela avait pu la guérir par une quelconque prière. « Et bien qu'est-ce que tu viens faire ici ? » Je continuais de frôler sa robe autour de sa plaie, doucement, car elle devait être douloureuse. « Maintenant que tu es ici, il va bien falloir te trouver un nom... » Alors je le regardais d'un air sérieux. Grand effort de réflexion. « Et que dirais-tu de Gris-Poil ? » Il secoua la tête, devais-je l'interpréter comme une réponse ? En tout cas l'absence de coup de sabots me prouva qu'il n'était pas mécontent. « T'as l'air de bien aimer »

Une journée qui allait rester gravée dans mon esprit très longtemps. Dire qu'au départ j'avais pensé que les Dieux m'avaient béni... Quel imbécile je faisais à cette époque. Je me rappelais de cette balade. A cette époque j'avais treize ans. Cela faisait déjà trois années que Gris-Poil était pensionnaire de nos augustes terres. Il avait fallut un temps pour qu'il puisse à nouveau marcher normalement. J'avais un peu peiné pour lui apprendre à filer droit... et au final, pour lui c'était bien impossible. On pouvait dire que mon ami était doté d'un sacré caractère. Mais j'avais réussi à me faire totalement accepter de mon cheval. Et souvent nous nous baladions en forêt. Cette ballade je m'en souviendrais tout le temps. C'était au début de l'autonome. Les premières pluies faisaient rage. Et cette fois m'avait surpris cette fois, elle était tombée d'un coup. Alors je préférais rester à l'abri sous la barrière protectrice de la forêt. En attendant que le déluge puisse enfin passer et que nous puissions sortir sans craindre d'être trempés de la tête aux pieds et jusqu'à la moelle de nos os. Je venais tout juste de poser le pied à terre. Je tenais Gris-Poil par les reines, lui parlant doucement. Je savais bien que la pluie, il n'aimait pas ça. Alors un peu de réconfort ne serait pas de trop pour lui. Mais alors qu'il semblait plutôt détendu, Gris-Poil se mit à agir d'une manière bien étrange. Il se mit à tirer sur ses rênes et faisant marche arrière de toutes ses forces. J'essayais de le tenir et tirer dans le sens inverse. Mais il se braquait encore plus et continuait son manière. « ATTENTION ! » C'était la chose que j'entendis. Enfin, je ne saurais le dire. Je ne savais pas s'il s'agissait de quelqu'un qui m'avait parlé. Où si je l'avais imaginé tout simplement. Je suivis Gris-Poil sans vraiment savoir pourquoi. Mais à peine une dizaine de pas faits, j'entendis un bruit sourd venant de mon dos. Alors que je me retournais je vis un arbre s'abattre en plein milieu du chemin. Je laissais échapper une exclamation de surprise et de peur à la fois. Je me retournais vers Gris-Poil. « Eh bien, on l'a échappé belle ! » Alors je scrutais les lieux, comme à la recherche d'une personne. Après tout c'était logique non ? Quelqu'un avait entendu le tonnerre gronder au loin et m'avait prévenu. Alors je cherchais cette personne du regard. Pour la remercier comme il se devait. Mais... rien. Il n'y avait rien dans ses bois. Personne. Mise à part moi. Gris-Poil et moi. Alors doucement je regardais mon compagnon... Lui ? Était-ce lui ? Je restais estomaqué. Incapable d'avoir la moindre réaction.

Tant de fois je venais à regretter ce que j'avais fait ce jour-là. Tant de fois je pensais que j'avais été stupide et que j'aurais sûrement dû réfléchir avant d'agir. Mais à vrai dire... maintenant que pourrai-je faire pour revenir en arrière ? Que pourrais-je faire pour pouvoir changer les choses ? Si j'avais su à cette époque que mes actes auraient des conséquences si fortes que ça... j'aurais sûrement tout fait pour l'éviter. J'aurais tout gardé pour moi dans le plus grand des secrets. C'était ce que j'aurais dû faire à cette époque. Mais je ne l'avais pas fait. A cette époque je n'étais qu'un gamin qui avait été trop émerveillé par le fait d'avoir parlé à son cheval. Pour moi c'était trop magique. C'était tellement improbable que cela en était merveilleux. Je n'avais pas compris ce que cela signifiait. Que cela signifiait que je n'étais pas un être vivant comme tout le monde. Un humain comme les autres. Je faisais partie de ceux qui faisaient trembler les humains basiques. La race des sorciers. Mais ça j'étais bien incapable de m'en rendre compte. Mais la réalité me rattrapa bien rapidement. Quelle idée avais-je eu hein ? Venir m'émerveiller devant mes géniteurs. Les réactions furent immédiates. Mais ce n'était celles auxquelles je m'étais attendu.

Je me souviendrai toujours du regard de chacun d'entre eux. La peur était la reine à cet instant. Comme si j'avais été une sorte de monstre. J'ai ressenti tellement de choses en ce moment. Un crève-cœur. C'était le cas de le dire. Ils étaient les seules personnes à qui j'accordais une importance. Ma sœur jumelle. Ma mère... Mon père. Alors que pouvait-on ressentir quand ces personnes vous regardaient avec peur, dégoût et haine ? C'était le même effet que de sentir le monde s'écrouler sous ses pieds. Ou du moins à cet instant j'avais cette impression. Tout ce qui avait fait mon monde jusqu'à aujourd'hui était en train de dangereusement vaciller. Le château de cartes allait finir par totalement s'écrouler. Et me château de cartes c'était toute ma vie. Toute ma vie qui allait tomber en une fraction de seconde. Mon père m'attrapa brutalement par mes vêtements. Il me tira dans un geste empli de violence. Un comportement tellement inhabituel. Il m'avait toujours semblé être un homme doux, gentil... alors d'un coup, il était totalement différent. J'avais l’impression de plus avoir en face de moi la même personne. C'était terrible.... de ne plus connaître et reconnaître son propre père. Personne si importante dans une vie. La rage. Je ne voyais plus ça en lui. La haine. La colère. Plus rien qui le rendait humain. Je luttai contre lui. Je voulais qu'il me lâche. Sûrement un instinct de survie. Mais du haut de mes treize ans, j'étais trop faible contre lui. Tout ce que j'aurais pu faire aurait été inutile contre lui. Il continuait de me tirer de toutes ses forces, ma résistance était bien vaine et inutile. Après une lutte qui me sembla sans fin, le temps qui sembla s'être mystérieusement étiré, mes pieds quittèrent le sol, soulevé par la force des bras de mon géniteur. Mais rapidement je touchai le sol, lourdement. J'atterris lourdement sur mon épaule droite. Un crac se fit entendre d'ailleurs... Son rassurant accompagné par une vive douleur. Renvoyé dans la pièce qui me servait de chambre, en temps normal je la partageais avec ma sœur. Mais là.... elle me servait de prison.

Mes poings virent se heurter à la porte furieusement. Mais je ne recommençai pas, à peine avais-je bougé le bras que la douleur de mon épaule me rappela à l'ordre. Pourquoi ? C'était la seule chose que je me demandais. Qu'avais-je donc fait ? J'étais bien incapable de comprendre quel genre crime j'avais commis pour mériter un tel rejet et de telles réactions. Étais-je devenu un meurtrier sans le savoir ? J'en doutais. Mais aucune réponse. Ignorance ? Pourtant sa haine... J'aurais pu tendre l'oreille, pour entendre ce qu'il se disait c'était facile... « JE N'Y CROIS PAS ! » « Plus bas, il va nous entendre ! » Je fronçai les sourcils. La situation devenait de plus en plus incompréhensible. A cet instant je fus obligé de coller mon oreille à la porte pour entendre se que mes parents disaient. Je cru entendre un pleur en bruit de fond. Mon imagination ? Pourquoi j'avais la sensation que c'était Eowynn qui sanglotait ? Cela me rendait incroyablement triste... C'était un lien bizarre entre elle et moi. Comme si je pouvais ressentir les mêmes choses qu'elle. Mais j'essayais de ne plus y penser, en écoutant attentivement la conservation. « Il est comme LUI. » Un silence, il semblait pesé. Même sans être présent avec eux j'étais d'un coup beaucoup plus tendu. Je pouvais presque entendre la respiration de ma mère, des bouffées d'air compliquées à prendre. Ou alors peut-être que c'était moi. « Il ne faut rien dire... » Je commençais à vraiment avoir peur. Ne rien dire sur quoi ?! « Il faut qu'IL s'occupe de lui. » Anxieux. Je l'étais oui. Je ne savais pas ce qu'il se passait. Mais je savais que les choses étaient sur le point de changer.

Le lendemain...
Sorcier. C'était.... impossible. Je ne savais pas quoi penser sur ça. En tout cas, cette chose... cette magie je n'en avais jamais voulu. Elle était si dégoutante. Si effrayante pour les autres. On m'avait rejeté à cause de ça. En apprenant ça, père m'avait renvoyé de chez nous. Il aurait pu m'envoyer sur le bûcher. Mais j'étais une telle honte pour lui et la famille, qu'il avait préféré faire taire cette histoire. Mais vivre avec moi était devenu impossible. Il m'avait fait déménager de force chez mon oncle Agravaine. Je n'avais plus le droit de revenir. Certains disaient que j'étais mort.. Mes parents avaient préféré annoncer mon décès plutôt que dire que j'étais un sorcier. C'était ce qu'on pouvait appeler concrètement un choc. J'avais treize ans. Je venais de perdre tout ce que j'avais. Et je me retrouvais à vivre avec un parfait inconnu. Un homme que je n'avais rencontré qu'une seule fois dans ma vie. Vraiment les choses avaient pris une tournure parfaitement déplaisantes. En tout cas, je détestais déjà ce qu'il m'arrivait. Cette nature de sorcier. La magie. Mon oncle. Tout et tout le monde. Agravaine ne disait rien. Compréhensif ? Je l'ignorais. En tout cas avec moi il avait hérité d'une sacrée plaie....

Un soupir. Voilà, la première année était terminée pour moi. Et dire que ce n'était que le début. Que j'allais devoir en faire six autres. Hogwarts. Une académie pour les sorciers. Pour qu'ils apprennent à se servir de la magie. Dire qu'il y existait une école pour des gens comme... nous, aberrations de la nature. Si on m'avait dit à l'époque que j'étais sorcier et que j'allais aller dans une école pour faire de la magie, j'aurais sans doute bien rit. En tout cas, après cette année, je me rendais compte que je n'étais pas du tout à ma place entre ces enfants issus de familles composées à cent pour-cent de magiciens. Moi j'étais totalement largué avec eux. Moi je n'étais pas du tout familier à ce monde farfelu. Je ne m'y sentais pas comme chez moi. Même si en fait, c'était le cas pour tous les endroits où je pouvais vivre. Même la maison d'Agravaine j'avais encore du mal à la considérer comme la mienne. Pour moi, la seule demeure que j'avais eu c'était celle de mon père. Celle dont j'avais été chassé il y a bien longtemps. Pourtant j'avais du mal à accepter le fait que ce n'était plus le cas à présent. Je me rendais bien compte que je ne pourrai jamais plus retourner là-bas.

Je levais les yeux vers mon oncle. Il fronça les sourcils en me fixant. Qu'est-ce qu'il avait à me regarder comme ça lui. Je finis par lever les yeux au plafond. Sans un mot je me levai pour retourner dans ma chambre, c'était ce qu'on pouvait appeler couramment la « fuite » du dialogue. Mais avant de pouvoir atteindre la pièce, Agravaine m'interpella. « Écoute, je sais que pour toi c'est compliqué pour toi... Mais je n'arrive pas à savoir ce qui te tracasse. » Je me stoppai net. Ce qui me tracassais ? Je n'avais qu'une envie c'était de retourner chez moi. Vivre avec ma famille comme avant. Je voulais oublier cette histoire d'Hogwarts et de magie. Je voulais tout oublier revenir en arrière, dans l'Univers qui m'avait vu naître, celui auquel j'appartenais. « Je..je...JE DÉTESTE CETTE ÉCOLE ! » J'avais crié sans m'en rendre compte. Moi qui avais toujours eu des problèmes pour exprimer ce que je ressentais, mes sentiments venaient de m'exploser à la figure. Je baissai les yeux juste après avoir crié, me sentant un peu honteux de m'être laissé aller. « Je me sens pas bien là-bas... je dois pas être un sorcier, ça doit être une erreur. Je suis pas comme eux. » C'était sûr qu'il y avait eu un problème. Ils avaient dû se tromper à Hogwarts. Parce que j'étais pas quelqu'un capable de faire de la magie ou quoique se soit. « Il n'y a pas d'erreur Theodred. Tu te souviens, je t'avais dit la première fois que tu étais spécial. La magie c'est quelque chose qui fait partie de toi... tu t'en rendras compte. »

Je bougonnais dans ma barbe. Cette idée ne me faisait pas du tout plaisir. Et la réponse de mon oncle ne m'enchantait guère. J'avais espéré pendant quelque instant qu'il puisse exister une quelconque potion ou autre élixir qui me priverait de ces pouvoirs. Mais apparemment c'était un peu trop rêvé. Je voulais pas que ça m'arrive. Alors pourquoi cela m'arrivait à moi ? Je baissais les yeux. Plus le temps passait plus je m'éloignais de mon ancienne vie. Et cela me faisait peur. Je ne me sentais plus humain et pas du tout élève d'Hogwarts.... alors qu'est-ce que j'étais ? « Tu sais Theo, d'une certaine manière tu as de la chance. » Je ne pus m'empêcher d'avoir un rire jaune. Il se moquait de moi ou quoi ? Non parce que c'était un humour nul, très mauvais genre. « Et je ne rigole pas. Tu sais j'ai été comme toi à une époque... j'ai vécu les mêmes choses que toi. Mais je n'ai eu personne pour m'aider. Et Hogwarts n'existait pas de mon temps. » Je le fixais. Je n'y avais jamais pensé. C'était vrai que lui aussi avait du connaître ça. Après tout c'était notre famille qui était moldue. Et nous qui étions nés différents. Je n'avais jamais fait le rapprochement avant ça. Mais c'était vrai qu'il avait dû connaître le même rejet que moi. Mais pire lui avait fait fasse la plus grande des solitudes. A cet instant, je me sentis un peu proche de lui. Quelque chose venait de changer dans notre relation. Je lui souris, gentiment. Sûrement la première fois depuis que je vivais avec lui. C'était ma manière de le remercier. Mais rapidement son visage semblait grave... les choses n'étaient pas finies ? « Écoute, Theo... il faut que je te parle... c'est à propos de ta mère... »

Quelques heures plus tard...
Il s'attendait à quoi ? Je ne pouvais pas rester là sans rien faire. Je devais.... je devais aller les voir. Ma mère n'était pas bien. Agravaine m'avait dit de ne pas y aller. D'un coté il avait raison. Je ne devrais pas y aller. Après tout, le retour au village d'un mort, c'était... un peu bizarre. Mais pourtant c'était bien ce que j'étais en train de faire. En tout cas je voulais la voir. Je voulais la revoir. Tant pis si elle me rejetait. Quelle importance? Au moins je pourrai la revoir. C'était la seule et unique chose que je voulais, qui m’obsédait. J'avais pris un cheval, et je filais. Je voulais arriver au plus vite. Mais je devais prendre en compte le fait d'être discret. En fait.... non je m'en moquais. La seule personne que je devais absolument éviter c'était mon père. Sinon... concrètement j'allais me faire tuer c'était sûr. Rapidement arrivé, je m'étais glissé en douce dans la maison. Tout semblait bien se passer. Jusqu'à la croiser. Elle. Je tombais nez à nez avec elle. Eowynn. Mon regard croisa le sien. Je sentis mon cœur se mettre à battre la chamade. La dernière fois que je l'avais vu, elle était terrorisée par ce que j'étais devenu. Mais allait-elle se mettre à hurler ? Tant de questions et pourtant pas la moindre réaction. Je voyais dans son regard, je savais qu'elle avait toujours peur. J'osais à peine bouger. « Qu'est-ce que tu vas faire ? » « Rien... je suis comme avant tu sais. Je ne pourrais jamais te blesser. » Était-elle convaincue ? En tout cas je voyais pas de signe de haine. Doucement elle s'approcha de moi. Elle était toujours craintive. Elle leva la main. Et pas automatisme je fermai les yeux, comme si elle allait me donner une gifle. Mais rien de ça. Doucement je sentis sa paume caresser ma joue dans un geste tendre.

« Je suis désolée pour ce qu'il t'a fait à toi et à Gris-Poil. » Pas autant que moi. Dans le fond tout ce qui m'était arrivé était de sa faute à lui. Celle de mon père. Il était le véritable coupable. C'est alors qu'un détail me sauta aux yeux. Cet anneau. Simple anneau au doigt de ma sœur. Immédiatement j'attrapai sa main pour la regarder de plus près. Je n'avais pas rêvé. Il y avait bien une bague à son annulaire... Et pas n'importe laquelle. Un bijou preuve de fiançailles. Cela faisait deux années que j'avais été forcé à quitter la maison. Deux années et elle.... elle était déjà fiancée. Mon regard se fit inquiet immédiatement. Mais qu'est-ce qu'il s'était passé ? Qu'avais-je donc raté ? Ma sœur hocha la tête d'un air désolé. Son regard semblait empli de tristesse. Je sentais qu'elle n'avait pas vraiment eu le choix de son époux. Après tout c'était son statut de femme dans la maison qui l'obligeait à ne pas avoir d'avis. Elle n'avait pas en avoir. Elle devait agir comme son paternel lui disait de faire. Alors ce mariage.... elle avait sûrement dû l'accepter sans montrer de résistance. Je supposais que c'était un homme riche, par pur intérêt. Je ressentais un certains dégoût. Si type qui touchait ma sœur.... si jeune. Quand allait-elle finir par tomber enceinte de son premier enfant ? Je me rendis compte que j'aurais pu finir comme elle... me marier à une personne que je connaissais à peine pour faire plaisir à mon père. Le genre de vie que je n'aurais jamais voulu avoir... Celle que j'aurais pu avoir si j'étais resté ici. Dans cette famille. « Moi aussi je suis désolé sœurette. Moi aussi. Tu peux m’amener à mère ? » Elle hocha la tête positivement.

Un choc. Je la voyais endormie sur sur son lit. Sur son visage était greffé une expression de douleur. Comme si elle souffrait pendant son sommeil censé être reposant. Ses traits étaient creusés de manière fulgurante. C'était à peine si je la reconnaissais. Je me tournais vers Eowynn d'un air interrogateur. Qu'était-il donc arrivé pour qu'elle soit dans un état aussi... piteux ? Je n'avais plus ma mère devant moi, j'avais l'impression de ne voir que des os avec un peu de chair. Je voyais plutôt le cadavre d'une personne... Et cela faisait mal à voir. « On ne sait pas ce qu'elle a...Elle ne nous reconnaît même plus. » Un bruit de draps qui se froissaient. Nos regards se tournèrent en même temps vers le lit. Elle commençait à s'agiter. Nous avait-elle entendu ? La réponse fut vite donnée quand nous vîmes ses yeux s'ouvrir péniblement. Je vins automatiquement m'asseoir à coté d'elle. Elle me regardait avec les yeux ronds comme des chaudrons. Se rapellait-elle seulement de qui j'étais ? En voyant son visage j'en doutais sincèrement. C'était normal, elle semblait tellement rongé de l'intérieur. Détruite lentement par sa maladie dont on ignorait tout. « Mon fils... tu es si beau. La mort te va si bien. » Ces dires me firent froid dans le dos. Elle me croyait mort ? Apparemment oui. Elle a fini par croire à son propre mensonge. C'était bien triste. J'essayais de dissimuler tant bien que mal mes réactions. « Tu n'es plus un monstre hein ? » Je contins ma grimace. Un monstre... voilà ce que j'étais pour elle. Un sorcier, une créature tirée d'un conte pour faire peur aux enfants. Ouais c'était ce que j'étais. C'était ce qu'elle pensait de moi au plus profond d'elle-même. J'étais son monstre de fils. Et la chose ne changerait jamais. Je savais même qu'Eowynn le pensait. Sinon elle ne m'aurait pas demander si j'allais lui faire du mal... après tout... les démons faisaient le mal autour d'eux. Je n'étais pas bien différent à leur yeux. « Non, ce n'est que moi. Rien de plus normal. » Rien de plus normal. Quel mensonge. Mais je devais bien le faire... pour elle. Juste pour ma mère, je devais mentir. Même si je savais que ce terme de normalité ne me convenait plus et ne me conviendrai plus jamais. Doucement je me penchai pour poser mes lèvres sur son front. Un baiser tendre. C'était ma manière de lui dire au revoir. Car je sentais que cette entrevue serait la dernière avec ma famille. Même avec tout le regret que je ressentais, toute la mélancolie que je pourrai garder en moi.... j'étais bien trop différent d'eux. Mais alors un cri me tira de mes pensées. « MAIS QU'EST-CE QUE TU FAIS ?! » Je m'éloignai d'un coup. Pourquoi se mettait-elle a hurler comme un putois ? Mais c'est quand je vis le corps parfaitement inerte de ma mère que je compris. Sa respiration s'était coupée nette. « T'es folle j'ai rien fait ! » « TU MENS TU MENS ! » Ce jour, je n'ai pas trouvé d'autres solutions que de m'enfuir...

« Theo ? » Je l'avais entendu. Mais je ne voulais pas l'entendre. Je voulais me focaliser sur le contenu de ce livre. Recueil de données sur l'art des potions. Autrement dit la matière pour laquelle j'étais le plus faible. Ce qui m'aurait été utile c'était d'avoir un livre du genre « Potion pour les sorciers amateurs »... Parce que le nombre d'explosion que j'avais provoqué sans le faire exprès, il devait vraiment y avoir un problème. Enfin bref... Il fallait absolument que j’apprenne ces lignes par cœur. Au moins que je puisse être capable de me rattraper sur le plan théorique de la matière. Je lisais encore et encore les mots. Jusqu'à les sentir se graver dans le fond de ma tête. « Theo ! Je te parle là ! » Je finis par soupirer et lever mon regard vers la voix qui me tirait de mes révisions. Gaëtanne. L'air de rien... nous avions une certaine relation. Enfin... je ne saurais pas dire ce que je pensais de tout ça. Je pouvais dire que nous formions une sorte de « couple ». Sans pour autant être très démonstratifs l'un envers l'autre. D'un certaine manière je pouvais dire que c'était tant mieux. Je n'avais jamais vraiment aimé les grandes tirades amoureuses déclarées en plein milieu de la place publique. Puis d'un certaine manière... je ne pouvais pas dire que j'étais amoureux d'elle. C'était pas faute de ressentir quelques bon sentiments à son égard. Mais je ne l'aimais pas, vraiment pas. Il m'arrivait parfois de me demander ce que je faisais « avec elle ». « C'est bientôt l'heure de manger. Tu viens ? » « Pas très faim. Je viendrai si l'appétit me revient. » Elle haussa les épaules et s'éloigna de moi. Me laissant seule dans ma rangée de livres de la bibliothèque. C'était comme ça... c'était toujours comme ça de toute manière.

Ma situation avait nettement changée depuis ma visite « surprise » chez mes parents. Je m'étais rendu compte que je n'avais plus rien à voir avec eux. Je n'avais plus reconnu ma sœur dans son comportement. Pour moi elle n'était plus Eowynn, elle n'était plus ma sœur, celle avec qui j'avais tant rit par le passé. Je ne voyais plus que ses traits déformés par ce sentiment de frayeur à l'état pur. C'était une notion que j'avais du mal à intégrer totalement. Même si je m'étais fait à Hogwarts, si je m'étais habitué à la vie quotidienne là-bas. J'avais même finis par m'intéresser aux études. Voir même totalement. Mes notes étaient remontées en flèche. Un changement radical c'était le cas de le dire. Je ne le regrettais pas. Il m'avait été douloureux, mais nécessaire. Maintenant je savais que j'allais mieux. Un sourire se traça rapidement sur mes lèvres. Ouais j'étais quand même pas si mal que ça. Je ne pouvais pas dire que c'était la joie. D'une certaine manière il y avait des blessures dont je ne pourrai probablement pas guérir. Mais je n'allais pas si mal que ça. Rapidement je me replongeais dans le tome volumineux sur les potions. Si la bibliothécaire me voyait les yeux dans le vide l'air pensant, j'étais bon pour me faire virer moi. Rapidement je repris mes révisions... ou plutôt ma séance de remise à niveau devrais-je dire. L'espoir était là.

« Un jour tu vas finir le nez complètement aplati à force de le fourrer dans les livre. » Cette vois je l'aurai reconnu entre tellement d'autres. Elle était unique. Une des rares fois où l'on pouvait voir sur mon visage un grand sourire franc et sincère. Mon visage se tourna vers la source du dialogue. « Et toi tu vas finir par avoir des sérieux problèmes de tête à force d'avoir à l'envers. » je ne pouvais pas m'empêcher de la vanner. J'avoue qu'elle faisait partie des rares personnes avec qui je partageais une telle affection. Les choses étaient différentes avec elle. A vrai dire, quand je l'avais rencontré, je détestais tout le monde... Mais elle pas. Nous étions pareil... enfin c'était ce que j'avais supposé. Nos parents étaient totalement moldus. En plus d'avoir des origines irlandaises. D'avoir des histoires pas très faciles. Nous avions tout de suite sympathisé. Pourtant autant dire que nous étions les parfaits opposés. Quand j'étais introvertie, elle était tout ce qu'il y avait de plus extravertie. Sacré mélange. Mais au final, on s'entendait très bien... vraiment très bien. J'avais finis par lui donner un coup de main pour ses cours théoriques. Je m'étais donné pour mission de la rendre un peu plus sérieuse... Mais ça j'ai vite lâché l'affaire. Et au final, c'était même elle qui avait eu un influence sur moi. Bonne ou mauvaise ? Je ne me posais pas vraiment la question. D'un côté elle ne s'était pas donné pour objectif de faire de moi un délinquant aimant transgresser les règles. Juste m'apprendre à me lâcher. Dans le fond c'était pas si mal... Mes yeux fixèrent quelques secondes ceux de Fao. Les siens qui avaient toujours vu brillé en eux ce je-ne-sais-quoi de malice. « Laisses moi deviner... tu vas rester ici ? » J’acquiesçai d'un signe de tête. « Ok... je reste. Mais ce soir, double-dose. Daccord ? » Je contins un léger rire en m'étant ma main devant ma bouche. « Adjugé. Vendu. » D'un cerrtaine manière... ma vie avait changée. Elle me semblait toujours aussi simple. Mais si j'avais rencontré beaucoup de difficultés pour y arriver.