« Balthazar, je t'en prie, dépêche-toi ! » Le petit enfant s'est rué vers sa mère, avec toute l'inconscience et le bonheur du monde. Balthazar était la prunelle des yeux de ses parents, qui le voyait déjà homme respectable et respecté, marié à une noble suite à diverses aventures cocasses mais intenses. Balthazar, quant à lui, voyait moins grand mais tout aussi heureux : la vie se résumait à un grand et long fleuve tranquille pour les Tillman. Le petit brun a sauté dans les bras de sa mère qui, malgré son dos douloureux, l'a décollé du sol pour le serrer contre elle, lui permettant de nicher le bout de son nez constellé de légères taches de rousseur dans son cou et respirer son parfum. Oh, ce n'était pas une grande flagrance de l'univers mondain qui jouxtait leur maison, non, rien de tel. Juste une odeur de fleurs, très légère, qui enchantait toujours le jeune garçon. Celui-ci fit pression sur les épaules de sa mère qui, comprenant le message, le reposa parterre avec mille précautions, comme si Balthazar avait été fait de cristal et non d'os et de chair. « Allons, mon chéri, retournons chez nous. Je suis sûre que ton père nous a préparé un bon met à déguster tandis que tu nous parleras de Lila. » Lila était une jeune fille de la maison voisin que Balthazar était sûr de pouvoir épouser. Aussi pauvres qu'eux, les Adler avait été pourvu d'une fille aussi belle que la fleur qui lui avait donné son nom. Balthazar en était un peu amoureux. Tout enthousiasmé à l'idée de parler d'elle, Balthazar prit la main de sa mère en la forçant à se hâter de retourner à leur gîte. « Maman ! Maman ! Allons, dépêche-toi ou notre souper va se refroidir sans nous ! » disait-il gaiement, tandis que sa génitrice pouffait de rire.
James se leva en claudiquant, maudissant sa patte folle avec verve avant de voir arriver les deux amours de sa vie : Balthazar et sa femme, Myna. Il avait été réduit à l'immobilité à cause d'une sale blessure de sanglier, un jour qu'il posait collets et divers pièges dans la forêt qui bordait son habitat. Celui-là même qui commençait à tomber en ruines, depuis que le père de famille ne pouvait plus s'occuper de quoi que ce soit qui nécessitait et bonne santé et courage. Balthazar n'en était pas dépourvu mais là était le problème : il avait uniquement huit ans et, s'il était capable de différencier poison de jolis fleurs, il n'était pas très fort ni très axé sur le bricolage. Ce qui intéressait réellement Balthazar, c'était la faune et la flore, et tout ce qui touchait à la Nature. Peut-être James ne pas se sentir aussi fier, en voyant son garnement s'arrêter brusquement cueillir une fleur mais il était persuadé que son enfant ferait de grande chose, même s'il était d'ascendance pauvre et plutôt misérable. En voyant le reste de sa famille approcher, le grand blond s'effaça sur le côté, ébouriffant les cheveux de son fils et embrassant furtivement sa femme quand ils passèrent. Ils s'assirent à table, échangeant anecdotes et commentaires sur leur journée alors que Balthazar les noyait sous son flot de paroles ininterrompu.

Comme beaucoup peuvent l'imaginer, la suite de l'enfance du petit brun ne fut pas des plus heureuses. Il rêvait toujours de sa Lila, se demandant à quel âge il pourrait se proposer et, tout les soirs, il laissait des pétales de lilas s'égarer entre les pages de sa copie de la Bible. Il les regardait sécher ainsi chaque soir, fasciné par la vie qui s'en allait tranquillement des fleurs, fasciné par le cycle mortel dont il serait bientôt témoin. Il rêvait aussi d'aventures fantastiques où il serait le héros, lui sur son cheval avec son épée à ses côtés, et la plus belle princesse de la terre derrière lui, s'agrippant à son corps pour ne pas choir. Il combattait hydres et dragons avec courage et parfois inconscience; à chaque fois, il était vainqueur et finissait par s'endormir, un grand sourire béat cloué aux lèvres. Les saisons se succédaient, les jours se faisaient plus court et, très vite, ce fût l'hiver. Un hiver glaçant et rude où la foi inconditionnelle de Balthazar en Dieu fût mise à rude épreuve : quel dieu pouvait autoriser les peuples à se mourir ainsi de faim et de froid ? Malgré tout, les Tillman qui connaissaient la plus grande disette de tout les temps – le mot famine leur semblait trop mélodramatique pour l'employer en présence de leur enfant – accueillir dans leurs habitats de singuliers étrangers, de ceux dont on se méfie par nature : le sourire affable, timide peut-être; les cheveux emmêlés et peu lavés; leurs cernes noirs aussi sombres que leurs vêtements rapiécés.. non, ces voyageurs n'étaient pas vraiment des gens à qui on accorderait le bon dieu sans confessions.
Pourtant, c'est ce que fit Myna, bien vite suivie par Balthazar et par James, même si ce dernier n'était pas du tout d'accord avec les manières trop chaleureuses de son épouse. Pour Myna, chaque être humain devait être chéri, protégé par delà les apparences car, sinon, le monde courrait à sa perte et personne ne serait là pour vivre la millième année de la chrétienté. Il va sans dire que ses paroles furent largement soutenues pas les singuliers voyageurs, avides de chaleur et de nourriture. Pourtant, ils n'eurent pas grand chose à se mettre sous la dent : ils durent se contenter, tous autant qu'ils étaient, d'un ragoût froid de légumes crus, les voyageurs ayant la plus grand part par simple geste de courtoisie. Finalement, et Myna et Balthazar allèrent se coucher, éreintés par une journée à traverser les bois à la recherche de baies poussant malgré le froid et la neige – quête bien entendue vaine. Ce n'était que l'espoir dû à leur naïveté qui faisait vivre les Tillman. Rien d'autre. Et il fallait bien survivre, n'est-ce pas.. ? Myna s'endormit très vite alors que l'esprit de son fils semblait vouloir se compliquer la vie à réfléchir. Il entendait, dans la pièce d'à côté – la petite masure possédait deux pièces, une salle de vie et une autre contenant simplement un lit grand pour trois personnes. Leurs latrines durement creusées se trouvaient plus loin dans la forêt – son père et les voyageurs discuter. Mais bien vite, trop vite à vrai dire, ce fût le silence. Pas un silence agréable, de ceux que l'on espère toujours pour s'endormir. Non, un silence tendu, à un tel point pesant qu'on aurait pu le toucher au couteau, le palper. Et, comme pour prévenir Balthazar, un animal se mit à hurler. Pas dehors, non. Cela été commun – la forêt était peuplée de sangliers, d'ours et de loups. Non, le hurlement était bien plus proche. Il provenait de la salle de vie.
La porte séparant les deux pièces sembla s'effondrer sur elle-même tandis que, déjà, une créature en passait le pas. Ses yeux malsains, intelligents regardèrent les deux corps allongés tandis que, entre deux grognements, il fût rejoint par deux compatriotes. C'était des loups. Mais pas des loups normaux. Des loups se tenant sur leurs jambes arrières, des loups mesurant près de un mètre quatre-vingt et, surtout, des loups affamés s'attaquant aux humains. La chance fut la seule raison de la survie de l'enfant. Il se tenait le plus proche de la fenêtre, le plus loin de la porte. Malheureusement, sa mère était le corps le plus proche des créatures. Balthazar, des années plus tard, aurait aimé dire qu'il était resté se battre, au péril de sa vie, et avait sauvé sa mère. La triste vérité fut que, en écoutant son égoïsme d'homme, il s'enfuit en brisant le verre qui l'empêchait de rejoindre le dehors. Tout à son geste peu courageux, au tout début, il ne sentit pas la mâchoire impatiente de l'animal se refermer sur son bras, y insérant pour toujours la trace de sa dentition extraordinaire. Depuis ce jour-là, Balthazar n'osa jamais se promener bras nus où même se dévêtir un tant soit peu. Arrivé à terre – la fenêtre se trouvant à un mètre soixante-dix du sol –, le garçon se mit à courir, en refoulant à grand mal ses larmes qui l'auraient empêché de voir les arbres se précipiter à sa rencontre. Ainsi le petit et généreux Balthazar se transforma en bête assoiffée de sang, en enfant sauvage ayant perdu toute foi en tout.

Il vivait comme le monstre qu'il était : déchiré entre vols et transformations douloureuses, il ne voyait pas la fin de son calvaire. Avait-il fait quelque chose de si mal que cela avait froissé l'entité supérieure en laquelle il croyait, son Dieu ? Il l'ignorait, repensant à tout ses pêchés avant de s'endormir, bien loin de ses précédentes pensées d'aventures et de lilas. Chaque fois que le soleil disparaissait à l'horizon, Balthazar se roulait en boule en espérant ne jamais se réveiller; il ne pouvait se résoudre à se donner la mort : cela aurait été un pêché, donc une offense ultime à Lui et jamais il ne serait accepté Là-Haut. Il espérait y avoir sa place, malgré sa nature de démon voleur satanique. Peut-être même y rejoindrait-il ses parents.. Mais apparemment, Il en avait décidé autrement à son propos : il réussit à vivre trois ans à se nourrir de champignons et de carcasses crues avant de croiser la route d'Archibald Cartwright. A dire vrai, Balthazar essaya vainement de lui voler sa bourse et l'homme le surprit, non sans le réprimander. Toutefois, la peur, la tristesse et la défiance dans le regard du jeune homme surent atteindre le cœur de l'homme. « Décline ton nom. » lui dit-il de sa voix la plus gentille, même si celle-ci paraissait sortir du plus profond des Enfers. Cela faisait bien longtemps que le fils de Cartwright s'en était allé servir son pays et tout aussi longtemps qu'il vivait seul avec son chagrin dans son manoir.
« Balthazar. Balthazar Ti.. Tan... » bredouilla le jeune garçon, qui en avait oublié jusqu'à son nom en vue de ses fuites incessantes. « Je ne sais plus. » finit-il par avouer, en baissant les yeux. Cartwright pensa aussitôt que ce jeune homme avait un problème, et pas minime. Il sentait la forêt, une senteur qui n'avait rien de doux ou d'enivrant. Il sentait la sauvagerie, l'insoumission et la bête, de celles dont on n'approche qu'une fois qu'elles sont mortes. En clair, il ne sentait pas très bon pourtant l'homme eut la décence de ne pas froncer le nez. Il osa même un sourire. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux poivre et sel, continuant de détailler Balthazar qui évaluait ses chances de s'enfuir en courant. « Monte donc à l'arrière, Balthazar Je-Ne-Sais-Plus. Et hâte-toi ! le temps me manque jusqu'à Glasgow or le temps c'est de l'agent n'est-ce pas ? » Sans attendre le moindre geste de la part de Balthazar, le cinquantenaire demanda à son simili de cocher de redémarrer la chariote branlante. Archibald, qui avait choisi de marcher sur le dernier kilomètre, remonta à l'intérieur en couvant Balthazar d'un regard amusé. Celui-ci n'avait pas bougé. Constatant que, effectivement, la chariote partait sans lui et que, surtout, il allait laisser passer la chance de sa vie, il se mit à courir pour rattraper l'attelage.

« Je ne peux te croire. Tu dois forcément te tromper. Mon cher Archibald, je suis désolé de te l'avouer, mais la magie n'existe pas ! » Cartwright a soupiré, alors qu'un sourire tendre étirait ses lèvres. Il considérait Balthazar comme son propre fils et il comprenait bien sa perplexité, son incompréhension. « Je comprends que c'est... dur pour toi de l'admettre. Mais n'es-tu pas toi-même lycanthrope ? Et diverses choses aussi étranges qu'impossibles ne se sont pas passées en ta présence, du temps où tu étais pas plus grand que trois pommes ? » Lui et ses phrases grandiloquentes !, pensa Balthazar avec tendresse, alors qu'une peur indicible se faufilait en lui. Le doute insinué, effectivement, il se demanda si l'homme n'avait pas raison. Il se rappelait de la fois où le camélia avait ressuscité entre ses doigts; la fois où des papillons bleus s'étaient échappés de ses mains; ou encore la fois qui ne remontait qu'à hier où il avait décollé du sol de dix centimètres, en voulant atteindre un livre sur une étagère trop haute de la bibliothèque. Il se mordit la lèvre. « Je ne te concède pas raison. » lâcha-t-il, perplexe, avant de se détourner pour aller s'enfermer dans sa chambre.

« Je ne sais plus quoi faire, Archibald. Je me perds un peu plus à chaque fois que je croise son regard, je me maudis à chaque fois que je lui réponds, je me désespère quand je la regarde, à cause du battement juste là. » Il a pointé du doigt son cœur avant de reprendre sa position : prostré sur le fauteuil, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains, malmenant ses cheveux bruns coupés en brosse et sa peau si fragile. Comme si la douleur le rattachait à la terre, comme si cela lui permettait de ne pas faire une énième bêtise. En face lui, il y avait Archibald qui avait vieilli en homme sage, mais dur avec lui-même et surtout son fils d'adoption. Pourtant, c'est une tendresse extrême qui dansait dans son regard, alors qu'il s'accroupissait en face de Balthazar en posant une main protectrice sur son épaule. « Ne t'inquiète pas, Balthazar. Tout finira par s'arranger. » lui murmura-t-il. La réaction du garçon ne se fit pas attendre. Il se leva d'un bond, dominant son père d'adoption de toute sa hauteur et se dégageant de sa main protectrice de la même occasion. Il le regarda avec un air grave qui, très vite, se mua en une expression de douleur et de colère intenses. « Qu'en sais-tu, vieil homme ? Tu n'en as aucune idée ! Tu ne sais pas ce que j'endure. Laisse-moi. Laisse-moi ! » hurla Balthazar, prenant de court son père et ami. Celui-ci se recula, carapaté parterre, pour laisser à son fils l'espace pour extérioriser son trouble et sa fureur. Effrayé, le vieil homme retourna à son propre siège en silence, alors que le brun se détournait de lui pour poser deux doigts sur ses tempes en fermant les yeux, se forçant à compter jusqu'à dix comme on lui avait appris. « Je suis désolé » glapit-il, avant de s'effondrer parterre. Sans mot dire, Archibald se rapprocha et le prit dans ses bras, caressant ses cheveux avec douceur, profitant d'une intimité qu'ils n'avaient jamais eus jusqu'alors. « Je sais mon fils. Je sais.. » Et dans ses yeux brillaient milles inquiétudes, car il avait peur que Balthazar réduise à néant tout ce qu'il aimait dans une fureur semblable...



♦ Balthazar est un garçon très apprécié et appréciable. Il ne se sépare jamais de son sourire ou de son air malicieux et, ô grand jamais, il ne laisse voir sa tristesse. La plupart du temps, toutefois, il se surprend à être mélancolique, de part sa nature de loup-garou, et regrette de ne pas avoir été tué dans la boucherie où ses parents ont disparu. C'est un garçon plutôt nostalgique, qui sait tout de même se cacher et qui croit à la règle : bad things happen for a reason.
♦ Malgré la tristesse évidente de son passé, et la douleur que cela a engendré, Balthazar profite de la vie avec beaucoup d'amis qu'il s'est fait en peu de temps. Il est très sensible, vraiment accroché à ceux à qui il fait confiance et d'un naturel justicier. Il déteste l'injustice et ne se considère ni comme un martyr ni comme un héros. Juste comme un monstre.
♦ Il a mis énormément de temps à réaliser la différence pur et moldu. Il a mis encore plus de temps à comprendre qu'il était en bas de l'échelle sociale, né-moldu et loup-garou de surcroît. Toutefois, il ne perd pas espoir et croit secrètement que les gens changeront d'avis quand quelqu'un d'assez intelligent leur ouvrira les yeux. Il a de grandes idées, peut employer de grands moyens; mais personne ne l'écoute comme quelqu'un de sérieux. On peut presque considérer Balthazar comme une tête vide, à vrai dire - et parfois, il faut l'avouer, il l'est.
♦ Ce petit brun a tout du garçon agaçant moyen : il en a les répliques acerbes, le comportement insupportable et les mimiques sarcastiques. Il faut toutefois creuser un peu pour retrouver le vrai Balthazar : un cœur d'or et des manières un peu brusques, maladroites, le tout ajusté par des pulsions parfois trop violentes et incontrôlables.
♦ Toutefois, Balthazar n'est pas le jeune homme aussi fantastique qu'on pourrait croire de par les anecdotes précédentes. Il a un caractère imbuvable, une fois vexé ou repoussé, et se montre souvent insolemment violent à l'approche de la pleine lune. Toujours plein d'aplomb, il fait partie de ce genre de personne qui sont toujours persuadées d'avoir raison, qu'importe les circonstances. De plus, il n'est pas de ce genre d'homme qu'on laisse de côté contre sa volonté : la sienne est reine et, pour lui, les règles ne sont faites que pour être enfreintes.