Personne n'avait le suprême pouvoir d'exacerber ses sentiments comme le faisait si bien Ella. La jeune femme ne le faisait absolument pas délibérément et ses intentions étaient parfaitement louables mais tout dans sa façon de faire, dans sa façon de penser, dans sa façon d'être tout simplement inspirait à Mara des sentiments mêlés, des sentiments partagés sur lesquels elle peinait à mettre un nom. Amour ? Compassion ? Tristesse ? Déception ? Tendresse ? C'était à la fois tout cela et rien de tout cela. Ce qu'elle ressentait pour sa sœur n'avait pas de nom, il aurait fallu inventer un nouveau mot pour qualifier ce savant mélange hétéroclite de perceptions.
Là, Mara posait son regard charbonneux sur Cedrella et un mince sourire étira ses lèvres. Elle savait que le bonheur était un bien précieux dont elle même ne percevait pas les contours et qu'elle ne parvenait pas à saisir alors qu'un rien rendait Cedrella heureuse. Mara aimait regarder et observer son ainée, elle aurait pu y passer des heures entières tant Ella éclatait de vitalité. Elle l'éclaboussait chaque jour un peu plus de son éternelle allégresse et de son inaltérable enjouement ; et, à vrai dire, c'était un spectacle dont la jeune femme ne pouvait plus se passer.
Elle avait lu et entendu dire que les liens de fraternité étaient quelque chose de fragile, de difficile et qu'ils étaient souvent teintés de fausseté mais Mara ne partageait pas cet avis, bien au contraire. Elle aurait pu, comme tant d'autres, jalouser sa sœur et son bonheur mais rien de comparable à la rivalité ou à l'envie ne venait tourmenter son attachement pour elle. Pourtant, les deux jeunes femmes vivaient dans la complexité et sans doute ne comprenaient-elles pas réellement la dimension équivoque de leur relation. Quelque part, l'une était le point d'équilibre de l'autre mais, dans le fond, elles n'étaient pas aussi sincères l'une envers l'autre qu'elles le pensaient, qu'elles voulaient bien le croire. Peut-être même se mentaient-elles à elles-mêmes, refusant ainsi de se confronter à la réalité. Cedrella et Mara ne se disaient pas tout. Et parmi les secrets que Mara avait toujours refusé de lui révéler, il y avait un plus lourd et plus destructeur que les autres. Pire, plus le temps s'écoulait et plus Mara aurait désiré le lui avoir avoué dès le premier jour. Elle craignait la réaction de sa sœur, craignait également qu'elle ne pardonne pas, à personne, car il ne concernait pas seulement Mara mais toute leur famille, leurs parents en premier lieu puisqu'ils étaient, après tout, les principaux initiateurs de cette grande mascarade qui rythmait la vie des deux sorcières depuis leur enfance.

Avant la naissance de Cedrella, les Fitzalan avaient déménagé dans le royaume de Gwynedd et s'étaient installés dans une maison forte à la campagne, à la fois assez proche du village qu'elle dominait de sa hauteur pour s'y rendre régulièrement pour les besoins quotidiens mais assez éloignée pour ne pas vivre parmi les moldus qu'ils ne toléraient plus. Et, surtout, ils voulaient garder leurs futurs enfants à l'abri de toute relation approfondie avec un moldu. Il n'avait pas été aisé de s'installer dans une si grande demeure sans attirer l'attention des curieux mais, au lieu de protéger leur demeure d'un sortilège de dissimulation ou de déguisement – ils ne voulaient pas vivre reclus et, amoureux de l'architecture, ils voulaient que tous passent devant leur belle bâtisse et soient captivés par son charme – ils avaient finalement choisi de modifier, par magie évidemment, quelques documents officiels pour se faire passer pour des alliés du seigneur de la région. Ils pensaient, par cette manœuvre, pouvoir s'immuniser du monde moldu et auraient sans doute réussi s'il n'y avait pas eu Cedrella. Cedrella et sa curiosité maladive. C'était une enfant à l'imagination débordante qui voulait tout voir, tout découvrir, surtout les choses dont personne ne voulait lui parler alors qu'elle savait qu'elles existaient. Un jour, elle devait avoir entre douze et quatorze ans, elle s'était mise en tête d'aller à la rencontre des moldus et avait fait la connaissance d'une enfant de son âge avec qui elle s'était tout de suite entendue. Leur amitié coupable avait duré un temps, leurs rencontres restant brèves et discrètes Cedrella avait réussi à préserver son secret, jusqu'à ce qu'elles se rendent toutes deux à la fête de Beltane organisée dans le village.
Elle se serait peut-être abstenue si elle avait su quelle colère noire cette aventure provoquerait chez ses parents. Mara avait vu son père froncer les sourcils et dodeliner de la tête comme il le faisait les jours de grande contrariété. Elle avait aussi vu des larmes sur les joues de sa mère et avait compris que l'heure était grave. À cette époque là, Mara ne s'était pas faite sa propre idée des moldus et se contentait de ce qu'en disaient ses parents. Et ce qu'ils en disaient, justement, ne lui donnait pas particulièrement – pas du tout en réalité – l'envie ou même la curiosité d'en savoir plus sur eux. Ils apparaissaient inutiles et ignorants, à la fois cruels et dépourvus du moindre intérêt ; chose qui surprenait énormément la petite fille à qui il avait toujours semblé que seuls les gens particuliers, avec quelque chose de plus que les autres, pouvaient se laisser aller en toute impunité à l'arrogance, à la méchanceté, à tous ces comportements qu'on ne pardonne qu'aux personnes extraordinaires.

Sans jamais les avoir vu de près, ils inspiraient déjà à Mara l'antipathie et la répulsion. Mais, après ce jour, après que son père lui ait raconté ce qu'ils avaient fait à leur famille, comment ils les avaient humiliés et meurtris, Mara les détestait tout à fait. On lui raconta comment les Fitzalan, avant la naissance de Cedrella, vivaient parmi les moldus et tout particulièrement à côté d'une famille qu'ils considéraient comme des amis. Si bien, en réalité, que ces voisins là connaissaient leur secret, savaient qu'ils étaient des sorciers et qu'ils faisaient une sorte de commerce magique qui expliquait leur abondante richesse. Des voisins agréables et aimants qui, au fil du temps, étaient devenus des voisins jaloux qui avaient fini par les trahir. Leur petit garçon jouait souvent avec celui des Fitzalan, Arthus mais, un jour, alors que ce dernier découvrait son don magique sans encore pouvoir le contrôler, un malheureux incident survint. Rien de très grave, rien d'irréparable. Mais, par mécontentement, Arthus avait malencontreusement envoyé son camarade de jeu sur le toit de la maison.
L'histoire avait fait beaucoup de bruit et les voisins de Fitzalan avaient dénoncés ceux-ci pour sorcellerie. Ils avaient accusé Arthus d'en avoir après la vie de leur fils et de pratiquer, pour en arriver ses fins, d'utiliser la sorcellerie. Les Fitzalan n'avaient rien pu faire, c'était déjà trop tard, et ils avaient vu, sous leurs yeux malheureux et affligés, leur fils se consumer au cœur du bûcher auquel il avait été condamné.

Après ce drame ils avaient fui, quitté la région, et avaient démarré une nouvelle vie loin des moldus qui leur avaient pris leur fils. Ils s'étaient isolés et s'étaient jurés de ne plus jamais laisser les moldus leur prendre quoi que ce soit. Cedrella était née. Puis Mara. Et aujourd'hui le père racontait à cette dernière l'injustice et le malheur dont ils avaient été les victimes, il pensait que sa petite fille, la plus petite, avait des épaules assez larges pour supporter le poids de cette histoire, de ce secret. Ils pensait aussi qu'elle comprendrait mieux pourquoi il fallait absolument rester loin des moldus que Cedrella et, aujourd'hui, il lui demandait de protéger sa grande sœur qu'il pensait incapable de se préserver d'elle même, de son innocence et de sa curiosité.
Mara avait aussi appris le sort que ses parents réservaient à la petite fille qui avait emmené Cedrella à Beltane et à sa famille. Par magie, ils modifieraient leur mémoire et les emmèneraient à l'autre bout du pays, là où personne ne les retrouverait.

Ainsi filait la vie. Maintenant Mara avait vingt ans et cela faisait des années qu'elle gardait ses secrets pour elle, l'histoire de sa famille, le sort qui avait été celui de l'amie d'enfance de sa sœur. Des secrets qui devenaient de plus en plus difficiles à taire et qu'elle aurait aimé raconter à Cedrella. Celle-ci, peut-être, aurait alors mieux compris. Elle aurait sans doute tout compris...

♦ Mara adore la magie et est extrêmement fière d'être une sorcière. En vérité, elle n'ose même pas imaginé ce que serait sa vie si la magie n'en faisait pas partie, tant elle y occupe une place importante : la magie est toute sa vie.
♦ La jeune femme a une grande sœur, Cedrella, qui est la personne qu'elle aime le plus au monde. Pourtant, leur relation est assez ambigüe dans le sens où si elle l'adore et ne pourrait se séparer d'elle, elle méprise pourtant sa façon de penser qui est à des milliers de lieues de la sienne. Ella est son ainée mais Mara veille sur elle comme si elle était la plus âgée des deux. Il lui semble, en effet, que sa sœur a constamment besoin de protection.
♦ Elle adore les chevaux, qu'elle a l'impression de mieux comprendre que les humains. Elle adore la sensation de liberté qui s'empare d'elle lorsqu'elle les chevauche, elle adore également leur odeur musquée, sans parler de la relation fragile qui les lie à l'homme. Oui, elle adore ces animaux et les côtoyer est une des choses qui lui manquent le plus à Poudlard.
♦ Les parents de Cedrella et Mara sont de riches sorciers influents dans le monde magique qui revendiquent la pureté du sang de leur famille depuis de longues générations.
♦ Depuis un drame familial datant d'avant la naissance de leurs deux filles, les Fitzalan haïssent les moldus et s'en sont isolés. Ils vivent désormais luxueusement dans une maison forte rurale sur une colline, surplombant un petit bourg dans lequel ils descendent le plus rarement possible, afin d'éviter de se mêler à la population moldue. D'autre part, ils ont fait fortune et continuent de se faire connaitre grâce au commerce d'objets et reliques magiques qu'ils achètent et vendent à des sorciers venus de tous horizons, parfois même de d'autres continents.
♦ Mara est passionnée par tous les objets magiques anciens, livres aussi bien que reliques ou objets plus personnels ayant été ensorcelés. Les étudier, imaginer leur histoire et celle des personnes auxquelles ils ont appartenu, la passionne depuis son enfance, du temps où elle découvrit la salle où son père entreposait ses marchandises. Loin d'avoir renoncé à sa passion après son entrée à Poudlard, Mara se dit au contraire qu'un tel château doit renfermer de nombreux objets mystérieux...
♦ Elle pense souvent à son frère qu'elle n'a jamais connu et qu'elle aurait tant aimé avoir à ses côtés. Elle songe souvent que, s'il était à ses côtés aujourd'hui, les choses auraient pu être tellement différentes...